Claude Baigts est l’un des pionniers du padel français avec notamment à son actif l’organisation du Mondial de Padel en 2000, l’Open de France sur la place du Capitole à Toulouse. Il est aujourd’hui à la tête de l’Association Européenne des Clubs de Padel privés (AECP)


Par son édito, Claude apporte une vision offensive sur l’évolution du padel depuis ses origines :

Un autre sport pour un autre public

Nous sommes tous conscients que c’est bien Enrique Corcuera et ses amis Argentins qui ont les premiers codifié le padel et ont fait en sorte que ce nouveau sport de raquettes ne soit pas assimilé au tennis.

Au départ, tout était différent entre le tennis et le padel : dimension des courts, raquettes sans cordage pour les uns afin de ralentir les échanges, pas de service-volée, ce qui favorisait le jeu avec les murs, pratique uniquement en double pour limiter les déplacements ; seul le décompte des points était le même.

CLaude Baigts

Les 10 premières années

L’Argentine et les pays sud-américains ayant pris une avance de 10 ans de pratique du padel de compétition, les matchs entre Sud -Américains et Européens, principalement Espagnols, tournaient au cauchemar pour ces derniers.

Il fallut se rendre à l’évidence l’hégémonie argentine faisait courir au padel le risque de se « ghettoïser » en quelque sorte comme le fit la pelote basque.

Naissance de la FIP

Lors du premier mondial de 1992 à Madrid, la jeune Fédération Internationale de Padel eut le courage d’en faire écho : il fût décidé que l’Association Argentine de Padel aiderait les fédérations européennes qui organiseraient des compétitions internationales tout en entrainant des joueurs de tennis afin de gagner du temps et d’obtenir des résultats plus rapides.

L’Espagne créera le Beefeater Tour avec des joueurs de tennis espagnols de très bon niveau. La France lance les Open de France et un Centre d’entrainement pour joueurs de tennis de 2e série. Ces deux pays furent rejoints par les Italiens.

On venait de tirer une première fois sur Enrique Corcuera

Il fallait aller vite car le fossé ne se comblait pas entre les véritables joueurs de padel et les convertis de deuxième main.

En 1996, lors du 3e mondial, toujours à Madrid, la FIP pris la décision d’harmoniser les règles concernant le service. Devant la pression des Européens et de leurs anciens tennismen, il fut acté que le padel se convertirait au service-volée ; la boite de pandore était ouverte et j’y avais participé activement.

C’est ainsi que le volleyeur devait l’emporter sur les joueurs de défense, que la recherche du point gagnant par la faute de l’adversaire serait remplacée par le coup directement gagnant. Moins d’échanges il faut aller vite si l’on veut capter les télévisions ; un match passe donc en moyenne de 2h30 à 1h30.

Une ère nouvelle allait engendrer un nouveau sport : le “tennis-padel”

La raquette allait changer du tout au tout : il fallait une arme, certes sans cordage, mais qui puisse transmettre de la puissance et reproduire des effets comparables à ceux du tennis, en un mot une mini-raquette de tennis.

Pour organiser des tournois sur des places publiques, il fût décidé de normaliser le gazon synthétique (comme le tennis l’avait déjà fait) et ce pour augmenter encore la vitesse des échanges.

Et puis le coup de grâce…

Ensuite, les pistes – qui deviendront par la suite les courts panoramiques – remplacèrent le béton par des vitres. Toujours plus vite, toujours plus agressif ! Le padel allait devenir la maison de retraite de plus en plus de joueurs de tennis.

Voyant la progression du padel et la perte endémique d’adhérents de tennis, les fédérations de tennis décidèrent de prendre la direction du padel.

Des moyens : médiatiques, financiers, donnèrent des effets immédiats avec des implantations de clubs dans le monde entier.

Les profs de tennis pour des profs de “tennis padel”

Il fut décidé de donner du travail aux professeurs de tennis par des formations non adaptées pour en faire de mauvais professeurs de padel mais des enseignants de “tennis padel”.

Les clubs ou plus exactement les centres de padel ou se pressent pendant 10 ans des loueurs d’heures de courts qui après la partie se saluent et repartent chacun de leur côté comme ils en avaient l’habitude au tennis font du “tennis padel” un faux sport collectif qui s’oppose au padel qui lui privilégie la convivialité sûr et en dehors du terrain.

claude baigts

On commet à nouveau les erreurs du passé

Le “tennis padel” reproduit les erreurs du passé du tennis et connaitra la même fin que les produits devant être consommés immédiatement, comme le hamburger à emporter qui s’oppose à la côte de bœuf à consommer entre 4 amis autour d’une belle table bien dressée.

Enrique, Julio, Oscar, Adriana et d’autres encore, pionniers du padel, ne soyez pas mélancoliques : les marchands d’aujourd’hui ne vivront jamais les moments offerts par le padel avec sa pâle copie qu’est le tennis padel.

L’homme providentiel, il existe, nous le connaissons, et ils le connaissent, nous espérons le voir sortir de sa réserve et ils redoutent ce moment. Il prendra en main les destinées du padel pour redonner à ce sport merveilleux ses valeurs premières.