Un mois après la décision de Fabrice Pastor de “cesser toute activité liée directement ou indirectement au padel“, le Président de Monte Carlo International Sports revient sur les coulisses  entre lui , les joueurs et le World Padel Tour.  Il explique les raisons qui l’ont amené à se retirer du monde du padel.

Je n’ai rien à cacher. Je vais vous dire précisément ce qu’il s’est passé. Tout est factuel.

Que dire après cette désillusion ?

C’est terrible à dire, mais on a à faire à une véritable mafia. On ne peut rien dire, rien faire, rien proposer. Le World Padel Tour tel qu’il a été construit suffit au propriétaire. C’est certain, ce circuit ne profite qu’à quelques-uns.

J’ai voulu créer une véritable révolution dans le monde professionnel du padel et élargir aux previas et aux preprevias certains avantages proposés uniquement qu’à partir du tableau principal.

L’idée était de limiter la perte financière pour les joueurs du top 80 mondial. Bien-entendu, j’avais réévalué les dotations des circuits, apporté des garanties sur chacune des étapes que nous allions proposer. Nous avions ouvert le circuit aux joueurs éloignés du top 10 mondial. L’idée était également de faire relier les Fédérations au circuit professionnel.

Car là aussi, de manière assez étrange, le World Padel Tour mène sa vie sans rendre de compte à personne, ni même aux différentes fédérations. Ce n’est pas normal et j’ai souhaité casser cela.

Dans le monde du padel, beaucoup regrettent que le World Padel Tour et MCIS ne tentent pas ensemble de s’associer et d’unir leur puissance. Ce n’était vraiment pas possible ?

J’ai voulu le faire. Il y a 4/5 ans avec le propriétaire du circuit WPT, je lui ai proposé de nous unir et d’injecter 20 millions d’euros chacun pour construire un circuit professionnel exceptionnel, car le World Padel Tour est un circuit qui à mon sens reste encore trop amateur à certains égards et trop centré sur l’Espagne.. La réponse, vous la connaissez. Refus du propriétaire du circuit.

Estrella Damm refuse la proposition en estimant que ce qu’ils font est déjà suffisant.

J’aurais pu devenir un responsable du World Padel Tour. J’y étais prêt pour tenter d’apporter ma pierre à l’édifice.

Mais la suite vous la connaissez.

Cette idée de proposer un circuit réellement professionnel, avec une dotation bien plus importante que celle que nous connaissons aujourd’hui, en internationalisant le circuit bien trop centré sur lui-même, tout le monde avait à y gagner et surtout le padel.

Pourtant, nous n’avons jamais pu aller plus loin avec le World Padel Tour. L’idée même de faire quelque chose de grand ensemble a été balayée par le circuit.

Qu’est-ce que le World Padel Tour aurait dû faire ?

Je pense, sans fausse modestie, que le World Padel Tour aurait dû faire un geste, s’ouvrir. Je pouvais apporter non seulement des moyens financiers, mais aussi des ouvertures vers l’international que je souhaitais pour ce sport.

En dévoilant le concept de l’International Padel Tour, vous avez pu constater à quel point nous voulions internationaliser le padel.

Le World Padel Tour est rattaché à une bière : La Estrella Damm.  L’idée était de sortir de ce circuit limité internationalement par le seul fait que le principal sponsor soit une marque de bière. Il y avait tout à y gagner de ravir de nouveaux marchés et de nouveaux partenaires en diluant une marque qui n’est pas forcément la bienvenue dans le monde entier.

Dans certains pays, comme en France,  avec la loi Evin par exemple ou dans les pays musulmans,  comment faire la promotion d’un circuit professionnel où le sponsor principal est une marque d’alcool. Et même dans les pays où c’est autorisé, la politique des pays tend à limiter la publicité de l’alcool.

A la tête du World Padel Tour, nous avons surtout un propriétaire d’une bière qui n’a que pour seul intérêt, le développement de sa bière et non celle du padel. C’est triste. Ce qui l’est encore plus, c’est que les joueurs le savent et qu’ils avaient la possibilité de faire quelque chose pour eux, mais aussi pour le padel. Et on connait la suite.

Il ne s’agit pas d’une opinion, je suis un passionné qui énonce des faits très simples et qui a une vision internationale.

Le padel a coûté très cher ?

Encore plus que ce que vous imaginez. Il m’a coûté financièrement et humainement. La passion de ce sport m’a fait faire des choses qu’aucune marque sur le marché était prête à faire. Ca fait 6 ans que je me bats pour ce sport. J’ai dépensé plusieurs millions d’euros. Rien que l’année dernière, ce sont plus de 5 millions d’euros dépensés dans le padel. J’ai monté des circuits, sponsorisé des joueurs, aidé des joueurs également et réalisé de nombreuses autres choses pour je le pense le bien du padel. Et j’ai été remercié de la pire des manières : La trahison.

Je me suis rendu compte que le milieu professionnel est profondément malsain. Il est gangréné par quelques personnes qui ne veulent surtout pas que ça change.

Mais le moins évident pour moi, ce sont les déceptions. Des joueurs notamment, qui m’ont tout simplement trahi et qui ont retourné leur veste du jour au lendemain.

Il  y a un moment où il faut dire basta. Oui je suis passionné. J’ai fait de nombreuses choses et ai énormément travaillé pour essayer d’aboutir à un projet intéressant pour tout le monde et surtout pour le padel. Mais en retour, les intérêts illusoires de quelques joueurs ont fait pencher la balance.

Vous parlez de joueurs qui vous ont déçu, lesquels ?

Je pense d’abord que certains joueurs comme Chingotto, Belluati, Poggi et certains autres de la team MCIS ont commis une erreur.  Moyano / Capra a trahi le MCIS. Mais je peux aussi comprendre la pression qu’il pouvait y avoir pour tous ces joueurs.

L’autre erreur, c’est cette association de joueurs de padel qui s’est mise en place. Un groupe qui s’est formé et  qui mélangeait tous les types de joueurs avec un avocat censé  représenter ce groupe  . Je dis bien “censé”…

A la base du problème, ce n’est pas que les joueurs se réunissent,  mais ce sont toutes les variétés  de joueurs qu’il y avait dans ce groupe :  L’intérêt d’un joueur du top 10 n’est pas forcément celui d’un joueur du top 80. D’autres joueurs sont reliés à des marques et d’autres pas. D’autres ne jouent que le tableau principal, tandis que d’autres joueurs se battent dès les preprevias.

Et ces joueurs là, loin dans le classement, se trouvent dans un système où ils n’ont aucun droit et que des devoirs. Est-ce normal d’après-vous ?

Le monde du padel professionnel avait le possibilité de se lancer sur un circuit bien plus équilibré sur tous les plans.

Les plus grands perdants ce sont tous ces joueurs. Ils vont donc continuer à critiquer ce circuit professionnel alors qu’il y avait une alternative. Dommage pour eux.

L’International Padel Tour avait tout pour séduire, non ? Pourquoi les joueurs ont-ils dit non ?

Sur le papier, nous proposions de nombreuses avancées pour les joueurs. Mais étrangement, on nous a attaqué sur des éléments plutôt mineurs.

Contractuellement, nous voulions qu’en cas de litiges, les tribunaux de Monaco soient compétents. Les joueurs voulaient  les tribunaux madrilènes. Nous avons donc concédé pour les tribunaux suisses.

Chaque tournoi était garanti financièrement.  Et on a essayé de faire croire que ce n’était pas le cas. Nous proposions 20 tournois dans 11 pays différents dont 11 qui étaient déjà garantis.

Et puis, on ne va pas se mentir, certains joueurs ont joué plusieurs jeux et ont utilisé les propositions de MCIS pour faire monter les enchères de l’autre côté. Tout cela était particulièrement malsain.

Finalement le groupe de joueurs vous a sorti du jeu ?

Les joueurs ont certainement pris une décision regrettable pour eux dans un premier temps.

Ils ont mis un frein à la croissance du padel professionnel au sens large. On permettait à des joueurs d’avoir des remboursements, des prix préférentiels sur la nourriture / sur les hôtels / menus sportifs.

J’ai vu de nombreuses paires en previas ou preprevias regretter le règlement trop stricte du World Padel Tour. Pour éviter les blessures et les journées trop compliquées physiquement, nous proposions de ne faire qu’un match par jour. Vous imaginez la difficulté pour certaines paires méritantes d’accéder au tableau principal après les innombrables matchs réalisés lors des qualifs.

C’est un sport qui est fait pour les 10 premiers. Tous les autres sont les oubliés.

Je voulais mettre un terme à tout ça sans rentrer en guerre avec Estrella Damm. Je voulais par exemple que l’association des joueurs que je voulais mettre en place soit propriétaire à hauteur de 15% de l’IPT. C’était une offre inégalable. En fonction des chiffres, l’association pouvait ainsi profiter des rentrées financières de l’IPT. C’était du gagnant – gagnant.

J’ai dû mal à comprendre moi-même ce qui s’est passé pour qu’on en arrive là.

C’est donc définitivement la fin ?

D’abord pour moi, le MCIS, Fabrice Pastor Cup et tous les sponsoring des compétitions ou de joueurs, c’est terminé. Je me retire totalement de ce monde.

Je pense que les joueurs n’ont pas fait la part des choses. Ils avaient la liberté, des dotations supérieures, une vision internationale et très professionnelle, de nouveaux partenaires,   et de nombreux autres avantages. Ils avaient entre autre un passionné, prêt à s’investir humainement et financièrement dans le padel. Je pense que je l’ai prouvé depuis toutes ces années et que je ne méritais pas un tel traitement.

Mais les trahisons m’ont profondément affecté et donc indirectement ma famille et mes proches. J’ai beaucoup donné sur tous les plans et j’ai toujours dit que si un jour on ne voulait plus de moi, je me retirerai. Ce moment est malheureusement arrivé.

Propos recueillis par Franck Binisti

Franck Binisti

Franck Binisti découvre le padel au Club des Pyramides en 2009 en région parisienne. Depuis, le padel fait partie de sa vie. Vous le voyez souvent faire le tour de France en allant couvrir les grands événements de padel français.