Yanis Muesser, 24 ans, a créé la surprise en janvier dernier en remportant le P1000 de Strasbourg au côté de son compère alsacien Simon Wagner. Face à eux, il y avait pourtant une paire très solide : celle que forment Yann Auradou et Maxime Forcin.

Juste avant qu’il ne parte s’entraîner une semaine à Barcelone, Yanis, désormais 29e joueur français et responsable du développement du padel à la Ligue du Grand Est dans le civil, s’est confié à Padel Magazine. Cet ancien tennisman classé 0 nous raconte son coup de foudre pour le padel, ses projets d’avenir et, pourquoi pas, son rêve de se frotter au monde professionnel…

En deux ans dans le top 100

Padel Magazine : Peux-tu nous raconter tes débuts dans le padel ?

Yanis Muesser : J’ai commencé le padel en septembre 2019. Je m’étais lancé avec un copain, Florian Hue. On a rapidement été stoppés par le Covid. En deux ans, malgré un an de Covid, je suis monté dans le top 100 français, donc en l’équivalent d’un an de tournois.

En 2019 et 2020, je faisais encore du tennis, en essayant de faire 50% de tennis et 50% de padel. Mais je me suis rapidement pris au jeu du padel. Au bout d’un moment, c’est devenu difficile de concilier les deux, il a donc fallu que je fasse un choix.

“Tu progresses très vite au début”

Padel Magazine : Pourquoi avoir choisi le padel ?

Yanis Muesser : Je me suis rendu compte qu’en tennis, j’étais arrivé au maximum de ce que je pouvais faire par rapport à l’investissement qui était le mien et aux entraînements que je produisais. Car en étant 0, il est très très dur de monter négatif en restant en Alsace. Donc il aurait fallu bouger, le faire en semaine ce qui est compliqué quand on fait des études – j’étais en licence à cette époque…

L’avantage du padel, c’est que les tournois ont lieu le week-end, donc je pouvais concilier études et padel. Je me suis pris au jeu, j’ai rapidement progressé, c’est pour ça que je me suis lancé à fond dans le padel. Et puis j’ai eu un gros coup de foudre pour le padel.

Et j’avoue que je me frustrais de plus en plus au tennis. J’étais tout seul, je ne sentais pas que je progressais encore. Je suis monté 0 à 18 ans et ensuite, jusqu’à 22 ans, il ne s’est pas passé grand-chose, donc forcément, c’est un peu frustrant. Et au padel, il y a ce côté très ludique, tu es à deux et tu progresses très vite au début.

Padel Magazine : Tu t’entraînes à quel rythme ?

Yanis Muesser : Je joue trois fois par semaine en moyenne, en plus des tournois. Deux fois des entraînements en faisant du panier ou de la diagonale et j’essaie de faire une partie à quatre. Je fais deux à trois tournois par mois. Le prochain, ce sera le P1000 de Metz, le 29 avril, que je jouerai avec Arthur Hugounenq. Simon (Wagner), mon partenaire habituel, n’est pas disponible à cette période. Et j’aime bien jouer avec des gauchers…. Avec Arthur, on a un an d’écart. On se croisait dans les tournois de tennis quand on avait 11 ou 12 ans.

Padel Magazine : Peux-tu nous parler de Simon, ton partenaire ?

Yanis Muesser : Avec Simon, ça fait un peu plus d’un an qu’on joue ensemble. On a un an d’écart, ça se passe bien entre nous, on a fait de bons résultats, notamment en gagnant le P1000 de Strasbourg. C’était aussi un pari de jouer tous les deux. Quand on a commencé à jouer ensemble, Simon – qui a commencé à jouer environ un an après moi – était classé entre la 150e et la 200e place et on a réussi à faire en sorte qu’il monte à la 31e place en peu de temps.

wagner muesser

Ce qu’on s’est fixé avec Simon, c’est de partir ensemble sur tous les tournois. On a la même mentalité tous les deux. Si on veut construire quelque chose dans la paire, c’est mieux de penser les choses à deux, avec une paire qui s’entend bien sur le terrain. Ça permet aux connexions de se faire plus rapidement. Et on a la chance d’être tous les deux de Strasbourg, ça permet de nous entraîner ensemble.

Mais on sait aussi qu’une équipe de padel c’est comme un couple… On s’est toujours dit l’un et l’autre que si par exemple un top 10 ou top 15 nous proposait de jouer, ça ne se refuse pas. Il ne faut pas être fermé. Si ça nous permet de progresser, on saisira l’opportunité. Et si de nous deux n’est pas disponible ou blessé, il est normal que l’autre joue avec un autre. C’est ce qui se passera fin avril à Metz : Simon fait les matchs par équipes tennis avec son club, moi je n’ai pas cette obligation donc je joue avec Arthur à Metz.

“Tennis et padel sont deux sports complètement différents”

Padel Magazine : Est-ce qu’il t’arrive de jouer encore au tennis ?

Yanis Muesser : A vrai dire, je n’ai pas joué depuis juillet dernier. Je vais quand même faire un ou deux matches par équipes avec mon club, car j’aime bien ça. J’adore la terre battue, c’est ma surface préférée. Quand je jouais encore au tennis et que j’ai commencé le padel, ça m’a permis de beaucoup progresser au niveau des volées et des phases de transition. Quand je fais un coup droit au tennis et que je vais au filet, je me sens plus confiant. Ça apporte quelques automatismes, mais malgré ça, ce sont deux sports complètement différents et quand on commence à pratiquer les deux à une intensité assez élevée et à haut niveau, ce n’est plus du tout compatible, chacun finit par nuire à l’autre. Donc ça oblige à choisir entre les deux pratiques.

Vitres et défense : “on a du retard en France”

Padel Magazine : Quels sont tes points forts dans le jeu ? Et ce que tu voudrais améliorer ?

Yanis Muesser : Comme tout Français venant du tennis, ma faiblesse ce sont les vitres et la défense. On a clairement du retard en France par rapport à l’Espagne. Ça reste vrai même si je travaille dessus et que j’ai vraiment bien progressé dans ce domaine. Je suis beaucoup plus à l’aise qu’avant, je me sens bien quand je laisse passer les balles. Quand j’ai commencé, je n’arrivais même pas à renvoyer la  balle après la vitre. Maintenant, je suis capable de tourner, de défendre des balles avec la vitre, m’en servir comme d’une amie alors qu’avant, c’était une ennemie.

J’ai aussi des progrès à faire tactiquement quand je suis au fond. Le placement quand on est au fond est une chose qu’on doit bosser Simon et moi. Savoir sur quelle balle on doit avancer pour reprendre le filet, savoir quand on doit lober, etc.

On est dans une phase où on a tous les deux bien progressé en défense, mais du coup, on a l’impression d’avoir un peu perdu le côté offensif. C’est la phase où tu es bien derrière parce que tu sais que tu peux remettre plusieurs fois mais quand tu as une balle un peu facile, tu vas peut-être en mettre un tout petit peu moins qu’avant, quand on était plus mordants.

A l’inverse, le smash est mon point fort, notamment le smash tout droit à plat, que je sens vraiment bien. J’ai une bonne explosivité qui me permet de souvent prendre de vitesse les adversaires. Ensuite, je crois que j’ai de bonnes qualités dans le jeu volée-volée.

Je ralentis le jeu beaucoup plus qu’avant, surtout après les vitres. En direct, j’ai encore un peu de mal à le faire. Ça fait partie des choses que je travaille. Savoir mieux gérer ce petit jeu, savoir ralentir quand il le faut, accélérer. L’idée c’est de ne pas constamment faire “boum – boum – boum”.

Stage en Espagne : “Si tu changes tout en même temps, tu ne sais plus jouer”

Padel Magazine : Aller t’entraîner en Espagne, ça fait partie de tes projets ?

Yanis Muesser : Eh bien j’y vais demain [l’interview a été faite le 2 avril, Ndlr], en stage à Barcelone pendant presque une semaine dans l’académie où s’entraînent Seurin, Guichard, Vives… On l’avait déjà fait en décembre et ça nous avait vraiment plu. Aller s’entraîner en Espagne ne fait pas de toi quelqu’un de différent, mais ça te permet d’avoir plein de petits “tips” et de conseils que tu vas mettre en application pour progresser quand tu reviens t’entraîner en France. Parce que tu ne peux pas tout faire d’un coup. Le gros plus, c’est qu’ils te voient jouer et en 5 ou 10 mn ils sont capables de te dire “il va falloir que tu corriges ça, ça et ça”. Mais tu ne peux pas tout faire en même temps : si tu essaies de tout changer en même temps comme on a voulu le faire le premier jour, eh bien tu ne sais plus jouer. On était nuls, mais vraiment nuls.

L’idée quand tu vas en Espagne, c’est de tout noter et ensuite, tu reviens et tu travailles tout ça au panier et tu le mets en application dans tes matchs d’entraînement. On a prévu de se faire une petite semaine comme ça tous les trois ou quatre mois : une semaine où tu combines le stage et des matches avec des joueurs de ton niveau.

Padel Magazine : Professionnellement, comment vois-tu la suite ?

Yanis Muesser : Je vais d’abord terminer mon master 2 en école de commerce : jusqu’en octobre prochain, j’ai un contrat en alternance avec la Ligue du Grand Est, en tant que responsable régional du développement du padel. Ensuite, j’aimerais passer le TFP (Titre à finalité professionnelle) pour pouvoir enseigner le padel. Et après, j’attends de voir qu’elles opportunités j’aurai avec la Ligue. Je vais passer mon diplôme d’entraîneur, continuer à m’entraîner. Mais ma priorité, c’est de me concentre sur mon master, passer mon mémoire. C’est important pour moi d’avoir ce bagage. La suite n’est pas encore fixée, j’attends de voir les opportunités qui se présenteront à moi.

Padel Magazine : Et l’idée de devenir joueur pro ?

Yanis Muesser : Eh bien j’y pense aussi, ça fait partie des pistes. Mais rien n’est fait. Ça dépendra surtout des sponsors : si des sponsors me paient et que je peux m’offrir cette opportunité, pourquoi pas… mais pour l’instant, on n’en est pas du tout là. J’ai deux sponsors pour les tenues et le matériel depuis janvier, Total Padel et Babolat. Total Padel est une entreprise de revente de matériel de Padel en ligne qui se situe non loin de Strasbourg, où je m’entraine. C’est une équipe jeune et dynamique, qui est à l’écoute de mes demandes et qui va m’accompagner pour toute la saison. Mais ce qui me manque encore, ce sont des sponsors qui puissent m’accompagner pour financer les déplacements sur les tournois. En plus, cette année avec Simon, on a prévu d’aller sur quelques tournois FIP à l’étranger : ça coûte plus cher que de rester en France. On ira notamment en Belgique, en Espagne, à Londres. Mais ça suppose de se libérer car ça se joue en semaine.

Après 40 ans de tennis, Jérôme tombe dans la marmite du padel en 2018. Depuis, il y pense tous les matins en se rasant… mais ne se rase jamais pala en main ! Journaliste en Alsace, il n’a d’autre ambition que de partager sa passion avec vous, que vous parliez français, italien, espagnol ou anglais.