Voici la suite de notre enquête sur le padel au féminin, les opinions et les attentes particulières des femmes qui jouent ou qui voudraient jouer au padel. Dans le premier volet de cette enquête, nous avons vu que les dames craquent pour le côté ludique de ce sport, l’ambiance et la convivialité qui y règnent et le type d’efforts physiques qu’il permet. A l’inverse, les 197 (!) femmes ayant répondu à notre questionnaire estiment majoritairement que les prix trop élevés, le nombre de terrains trop faible et l’offre de cours encore insuffisante sont des freins à la pratique.
Après une approche chiffrée, la suite de ce dossier nous permet de donner amplement la parole à celles qui ont des avis tranchés et n’hésitent pas à les exprimer, parfois vigoureusement. Nous n’avons pas hésité à citer certains avis redondants, preuve qu’ils reviennent très souvent dans vos témoignages. C’est notamment le cas au sujet des tournois féminins, qui suscitent beaucoup de critiques, de même que la répartition des rôles au sein des couples. Vaste débat, qui dépasse le padel…
► Ce qui vous déplaît
Nous vous avions notamment demandé de préciser quels aspects vous déplaisent et pourquoi. Voici vos réponses les plus marquantes.
■ Discrimination.- “Lorsqu’il y a une épreuve féminine en parallèle d’une épreuve masculine, les femmes sont discriminées. Par exemple un tournoi où l’on nous donne les balles et après on s’organise entre nous pour la poule ; un tournoi où les pistes les moins bonnes sont forcément pour les filles ; un tournoi où les formats courts sont imposés aux filles”.
■ Prendre ou mettre des raclées.- “Dans certains tournois, on joue trois matchs en deux sets de quatre jeux, avec des niveaux hétérogènes : on met des raclées ou on prend des raclées en 20 ou 30 minutes. Cela fait 1h30 de padel pour 20 ou 25€ l’inscription. Du vol ! Parfois, les niveaux des tournois sont hétérogènes. Par exemple quand des filles du top 80 ou 100 s’inscrivent dans un P250, ou des joueuses du top 20 à 30 jouent dans un P500, rendant le tournoi aussi fort ou presque qu’un P1000. Prendre des raclées en quart de finale d’un P500 par une joueuse top 10 ou en demie d’un P250 par une joueuse top 30 en vingt minutes, 4-0, 4-0, c’est rageant et ça dégoûte un peu…”
■ Les tournois sur plusieurs jours.- “Un tournoi sur deux jours, c’est acceptable pour un P500 ou même trois jours pour un P1000, avec les qualifications le premier jour. Mais un P250 sur deux jours, c’est une perte de temps, d’énergie et d’argent.”
■ La dotation des tournois.-“Ne pas offrir de prize money pour des P100 et P250, ok. Mais les clubs devraient avoir l’obligation d’offrir des cadeaux, car les joueuses paient quand même entre 15 et 25€ ! Ne rien recevoir quand on gagne un P100 ou un P250, c’est scandaleux !”
Tarifs trop élevés
■ Prix prohibitifs.- “Les prix pour apprendre le padel sont parfois prohibitifs : nous avons eu la chance d’évoluer dans l’associatif et d’avoir un accès peu cher et régulier à des terrains, ce qui nous a permis de beaucoup progresser grâce à nos copains qui nous ont fait jouer. Nous sommes aussi allées seules pour nous faire du panier gratuitement. Cela n’existe pas dans beaucoup d’endroits et je pense que cela dégoûte beaucoup de joueuses. Les tarifs d’accès sont beaucoup trop importants. Trop peu de clubs de tennis ont investi dans des terrains de padel et permettent au plus grand nombre d’y avoir accès à un coût associatif : entre 2 et 5€ pour 1h20 ou un tarif annuel entre 150 et 300€. Beaucoup de joueuses ne jouent même pas une fois par semaine ou alors ne font pas les tournois pour garder l’argent pour s’entraîner.”
■ Mentalité tennis.- “La mentalité tennis arrive de plus en plus au padel ! Je suis partie du tennis parce que je n’en pouvais plus, et ça commence à déteindre sur le padel ! Globalement je joue 95% du temps en mixte !”
■ Mentalité féminine.- “La mentalité des femmes me déplaît. Elles viennent pour beaucoup du tennis, ne jouent qu’entre elles et jouent en fond de court… Ce n’est pas intéressant.”
■ Créer des parties.- “Il n’y a pas beaucoup de moyens simples pour créer des parties par niveau. Il y a le Facebook par club mais ce n’est pas top ou bien des Whatsapp mais on se noie dans les demandes. Alors chacun crée son ou ses Whatsapp… Bref ça manque pour moi. Il n’y a pas assez d’applis où l’on voit tout de suite le niveau des parties proposées.”
■ Trop d’attente ou de matchs.- “La durée des compétitions est un problème : une journée c’est bien mais que d’attente entre les parties ! Et il y a parfois trop de matchs : 4 voire 5 en une journée pour les matchs de classement.”
■ Pas assez de tournois.- “On manque de tournois près de chez moi. Je suis obligée de renoncer à partir faire des tournois P1000 ou P500 par manque d’argent… donc je fais des P250 et des P500 chez les hommes quand je trouve un partenaire.”
■ Organisation difficile.- “Lorsque les tournois sont annoncés tard, c’est dur de s’organiser : il faut pouvoir trouver une solution pour garder les enfants par exemple.”
■ Trop cher, trop de monde, trop long.- “Ce qui me déplaît : le prix de la location des terrains, l’inexistence d’abonnement financièrement intéressant ; la grande difficulté de réserver un terrain en heures pleines ; les interclubs qui débutent à des heures différentes ; l’attribution d’un seul terrain en compétition ce qui fait que le temps d’attente peut être très long.”
Des niveaux trop hétérogènes
■ Classement “acheté”, joueuses trop fortes.- “Le fait qu’on “achète ” son classement en faisant un max de tournoi. Le fait que des tournois P500 ou P250 soient ouverts à des joueuses du top 50.”
■ Le manque de débutantes.- “J’ai été frustrée pendant plusieurs mois de ne pouvoir trouver des parties car débutante et c’est bien en jouant que l’on progresse. Je compensais donc par des cours individuels.”
■ Problèmes de niveaux.- “Le niveau de jeu autoévalué dissuade de jouer avec des inconnus qui se surévaluent ; en tournoi, le classement ne reflète pas toujours le niveau de la personne mais surtout le fait qu’elle a fait beaucoup de tournois ; pendant un tournoi, c’est hyper dur de jouer, s’arrêter parfois une heure puis rejouer…”
■ Padel et tennis.- “Un club de tennis qui s’est fait financer un terrain de padel et ne vit que sur la location du court. Un professeur de tennis qui n’accepte pas de voir arriver un professeur de padel dans le club. Donc pas de cours !”
■ Niveaux hétérogènes, prix trop chers.- “Il y a trop peu de tournois, et trop d’hétérogénéité de niveaux dans les P250. Certaines joueuses trouvent ça trop facile, d’autres prennent des tôles. Les tournois sont trop chers : 20 € devrait être un maximum.”
► Que faudrait-il améliorer ?
Après les critiques, les critiques un peu plus constructives : nous vous avons interrogées sur ce qu’il faudrait changer pour que le padel devienne un sport (presque) aussi féminin que masculin…
■ Des week-ends 100% féminins.- “Il n’y aura jamais autant de pratiquantes que de pratiquants. Cependant proposer des week-end 100% femmes aiderait à mon avis. Et surtout de la pédagogie et une communication de la FFT (?) pour expliquer aux femmes qui jouent en P100 qu’elles peuvent aussi s’inscrire en P250 et au-dessus, pour qu’elles aient des matches de niveau homogène en poules.”
■ Mixité et fédération 100% padel.- “Il faudrait maximiser les tournois mixtes de différents niveaux pour que les filles puissent jouer avec des hommes. Organiser des rencontres amicales par niveaux dans les départements pour que d’autres filles puissent découvrir le padel. Élargir au niveau régional quand le niveau monte. Éviter les tournois avec quatre heures d’attente entre deux matchs… Faire un championnat par équipes mixte, une meilleure communication pour aller chercher des filles d’autres sports ou des filles qui fréquentent des salles de sport uniquement… Et bien sûr, qu’une fédération de padel puisse voir le jour !”
■ Formations, rassemblements et prix.- “Il faudrait que les stages et les formations régionales et départementales deviennent plus accessibles, avec des adhésions moins coûteuses car les femmes jouent moins et sont plus souvent dans le loisir ou en famille. L’accès au monitorat pourrait être moins coûteux puisqu’on manque de coachs. On manque également de plateformes d’échanges, de rassemblements sportifs plus fréquents et d’une fédération 100% padel ! Les dirigeants de clubs pourrait s’investir pour un plus large public d’adultes car souvent les terrains sont monopolisés par les écoles, plus rentables… Mais ça bouge c’est en bonne voie ! Même si dans tous les sports il y a une minorité de femmes… la société est ainsi faite.”
Grossier et rabaissant
■ Une initiation gratuite ou presque.- “Il faudrait développer l’apprentissage par des cours gratuits ou semi-gratuits pour apprendre les bases. Au club de Castres, le président a organisé 2 ou 3 séances d’apprentissage qui ont attiré entre 8 et 12 filles : c’était convivial, nous avons appris, c’était vraiment bien, motivant pour nous qui avions soif de progresser. Si nous avions été à Toulouse aux prix pratiqués, je pense que nous aurions arrêté !”
■ Cesser la discrimination.- “Il faut arrêter de faire de la discrimination et de toujours mettre des phrases sur les annonces de tournois type “ouvert aux femmes” ou “femmes bienvenues”. Cela me rappelle systématiquement l’époque où les personnes noires commençaient à être intégrées dans nos sociétés et où on pouvait voir “ouvert aux noirs”. Je trouve ça tellement grossier et rabaissant qu’il faut vraiment stopper ces comportements discriminatoires.”
■ Plus de tournois loisirs.- “Plus de tournois féminins, à des heures raisonnables, car nous travaillons. Plus de P25 et de P100 car le niveau des joueuses est trop disparate. La majorité des tournois autour de chez nous sont des P250, injouables pour des femmes qui souhaitent se lancer.”
■ C’est hyper cher.- “Il faudrait former des jeunes, que la fédération s’occupe des meilleures de moins de 20 ans. Revoir le nouveau système de points, totalement démotivant, revoir les prix des tournois, beaucoup trop chers (25 euros un P100 !). Proposer des forfaits annuels car à la séance, c’est fait pour les gens riches… Le matériel aussi est hyper cher, avec la raquette à changer tous les six mois ou un an…”
■ Changer les mentalités.- “C’est la mentalité du sport féminin en général qui est à changer. L’idée que le sport est pour les garçons et les mamans sont à la maison…”
■ Tournois et visibilité.- “Il faudrait plus de tournois mixtes et féminins, qui sont très peu représentés. Et plus de visibilité pour les femmes qui jouent à haut niveau, surtout en France. Et aussi créer des groupes ou soirées mixtes ou féminines dans les clubs, une fois par mois, afin d’élargir le réseau des joueuses.”
■ Fidéliser les femmes, un casse-tête.- “Dans tous les sports, c’est le même problème. Il aurait fallut réaliser un questionnaire pour savoir justement pourquoi les femmes ne peuvent pas être fidèles dans leur discipline. Selon la tranche d’âge on revient au fait de devenir maman et le rôle des femmes une fois maman. Mais bien sûr il y a autre chose, les clubs n’encouragent pas les femmes à la compétition. Il n’y a que des petits tournois. “Ça coûte trop cher de faire un P500″, voilà ce qu’on nous dit. Il faudrait juste penser comme les hommes pour qu’un jour ça change. Mais nous savons qu’on est différentes et n’avons pas les mêmes priorités.”
Que les hommes aussi s’occupent des enfants
■ Filles et garçons.- Il faut que les filles s’y mettent vraiment et que tous les garçons acceptent de jouer avec des filles, sans a priori
■ Des stages et des prix.- “Il faudrait des stages de perfectionnement à la journée réservés aux femmes. Des tarifs préférentiels pour les tournois. Et pas de différence de récompense entre hommes et femmes.”
■ Ne pas cacher les femmes.- “Il faut plus de juges arbitres femmes, plus de tournois féminins, plus d’égalité. Et lors des tournois, ne pas reléguer les matches de femmes sur des terrains éloignés lorsque des hommes jouent en même temps.
■ Ne pas annuler les tournois.-“Je pense qu’il faut développer les tournois et éventuellement réduire le nombre d’équipes obligatoires plutôt que de les annuler, cela permettrait de faire des rencontres avec de potentielles partenaires, d’augmenter le nombre de licenciées et donc de donner envie aux autres.”
■ Inverser parfois les rôles.- “Que la femme prenne l’habitude de laisser garder les enfants au mari plus souvent, le soir inclus.”
■ Des hommes plus présents.- “Que les hommes soient plus présents et actifs à la maison pour que les femmes puissent se libérer pour aller jouer.”
■ Garder les enfants.- “Que les hommes laissent jouer leurs femmes et acceptent de s’occuper des enfants pour qu’elles puissent jouer !”
■ Rêve d’un autre monde.- “Il faudrait un autre monde ! Dans ce monde patriarcal cela est quasiment impossible. Les femmes se battent encore au tennis pour avoir les mêmes conditions alors au padel…”
■ Stop au sexisme.- “Arrêter le sexisme presque réflexe en donnant des sacs plus grands aux hommes qu’aux femmes ou des raquettes différentes avec des couleurs roses ou de formes différentes… alors que ça ne change absolument rien.”
Se différencier du tennis
■ Des priorités différentes.- “Les filles sont moins motivées on dirait. Et la priorité des obligations chez les hommes et chez les femmes n’est pas la même. Pour les tournois, il y a des différences de niveaux importantes et les filles sont dégoûtées de jouer trois match en perdant à chaque fois 6/0 6/0 . Donc pour moi les tournois filles aujourd’hui sont plus pour les niveaux à partir de 6, ce qui fait fuir du monde.”
■ Plus de promotion.- “Il faudrait faire plus d’évènements 100% féminin et plus promouvoir le padel féminin. Comme dans tous les sports et dans la vie en général, les femmes sont peu mises en avant…”
■ Tennis = pollution ? “Il faut arrêter de comparer ce sport au tennis. Ne plus se faire polluer par les joueuses de tennis, de part leur mentalité et de part leur jeu. Changer les mentalités sur le rapport hommes/femmes. Nous vivons dans un pays très machiste par rapport à d’autres pays Européens. Il faut développer plus le padel en général, se différencier du tennis, en ayant sa propre fédération.”
■ Faire connaître le padel.- “Il faudrait développer la pratique comme j’ai pu voir à l’Asptt Metz. Cela a ramené énormément de femmes. Le but étant déjà de faire connaître ce sport pour que l’ambiance du padel attire de plus en plus de femmes. J´aimerais tellement participer au développement du padel féminin dans le Grand Est !”
■ Le rôle des clubs.- “Que les clubs jouent eux-mêmes les premiers rôles. Qu’il y ait cette volonté de leur part de promouvoir le padel pour les femmes et ce n’est pas en arrêtant, par exemple, de faire des tournois filles car pas rentables qu’on y arrivera.”
Un grand merci à toutes celles qui se sont exprimées, trop nombreuses pour que toutes leurs contributions soient reproduites ici. La balle est désormais dans le camp des dirigeants et des entrepreneurs du padel en France, afin que ce sport devienne plus féminin que bien d’autres.
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Après 40 ans de tennis, Jérôme tombe dans la marmite du padel en 2018. Depuis, il y pense tous les matins en se rasant… mais ne se rase jamais pala en main ! Journaliste en Alsace, il n’a d’autre ambition que de partager sa passion avec vous, que vous parliez français, italien, espagnol ou anglais.