WinWin Padel Cabriès se retrouve au cœur d’un conflit avec la mairie, alors que le club, emblématique depuis 2015, voit son avenir menacé par des projets municipaux controversés. Dans cet entretien exclusif, le président Sébastien Caille expose les difficultés liées à la requalification du PLU, l’absence de droit de préemption et l’impact de décisions urbanistiques sur le développement du padel en France. Découvrez comment ce club pionnier résiste aux pressions administratives et prépare l’ouverture d’un nouveau site en région PACA, malgré des tensions persistantes avec la collectivité locale.
Sébastien Caille : “Il faudra plus que ça pour nous faire disparaître”
Président de WinWin Padel Cabriès, Sébastien Caille revient longuement sur l’histoire de son club, son développement, les défis rencontrés avec les autorités locales, l’avenir de la structure et ses projets d’expansion. Un entretien sans filtre.
Une aventure née en 2015
C’est une longue histoire. Le club a vu le jour en 2015. À l’époque, lancer un tel projet était un véritable pari, voire un pari fou.
« On nous a pris pour des extraterrestres. Le padel était méconnu, les terrains étaient vides, il n’y avait pas encore de communauté. »
Heureusement, la passion était là. Le club a tenu bon grâce à d’autres activités de ses fondateurs et au soutien de joueurs comme Julien Boileau, Melchior Dejounany et d’autres.
« On a fait le dos rond pendant longtemps, sans gagner un centime. Mais on y a cru. Et aujourd’hui, quand je vois les tribunes pleines, je me dis qu’on a bien fait d’attendre. »
Leçon de gestion : ne pas sous-estimer l’humain
« Notre plus grosse erreur, ça a été de croire qu’on pouvait faire tourner un club de manière totalement autonome, avec un modèle ultra-digitalisé. »
Sébastien Caille évoque un projet initial très technologique, avec peu de présence humaine sur site, mais qui a rapidement montré ses limites.
« Il manquait l’âme d’un club, l’ambiance. On s’est rattrapé avec le temps, en s’entourant de bons coachs, d’animateurs, de gens de terrain. »

L’indoor, seule voie viable selon lui
Le président ne cache pas son avis : l’avenir du padel est à l’indoor, même dans le Sud.
« On a trop de contraintes météo, trop de chaleur, trop de vent. Même ici, en PACA, l’indoor est une nécessité pour garantir une pratique régulière et confortable. »
Et pourtant, le club accueille le P2000 sur un central outdoor splendide, héritage d’un court de tennis mythique des années 80.
« Ce court est magnifique, il a une histoire. Mais à refaire, j’aurais couvert toute la plateforme. »
Des ambitions d’expansion… mais prudentes
Un nouveau club WinWin est prévu pour septembre 2025 dans la région PACA.
« C’est presque officiel. Et il y en aura d’autres, mais on ne se précipitera pas. Il faut que les conditions soient réunies : surface, hauteur, stationnement, rentabilité. Ce n’est pas si simple. »
Il évoque aussi un projet en région Occitanie pour 2026, et confirme être régulièrement approché par des investisseurs ou partenaires potentiels.

La DSP et le début du conflit
L’un des sujets brûlants concerne l’avenir du site actuel. La mairie a lancé une délégation de service public (DSP) pour créer un nouveau complexe padel sur un terrain voisin, dans le cadre d’un vaste projet immobilier.
« On n’a pas répondu à cette DSP. On a téléchargé le dossier, consulté… et décidé de ne pas candidater. »
Pourquoi ce refus ?
« Parce qu’on a un bail commercial ici. Un bail 3-6-9. Ce que propose la mairie, c’est un titre d’occupation précaire, qui ne permet ni de vendre, ni de valoriser, ni de pérenniser. En gros, on me propose de rendre mes clés, mes investissements, pour aller ailleurs, en perdant tous mes droits. »
Pire encore, le club dénonce un manque total de concertation.
« On n’a pas été consultés en tant qu’occupants historiques. Ils ont vendu une seule parcelle alors qu’ils disaient vouloir tout vendre d’un bloc. On attaque donc les promesses de vente pour non-respect du droit de préemption. »
Une DSP « sans valeur »
Pour Sébastien Caille, la DSP ne permet aucune stabilité.
« C’est un bail précaire, sans valeur commerciale. Je ne vais pas investir des millions pour un projet où je rends les clés dans 25 ans ou 4 ans, où je ne peux rien revendre. C’est tout simplement pas viable économiquement. »
Il ajoute :
« Si je répondais à la DSP, j’acceptais implicitement de quitter le site actuel. C’était un chantage, ni plus ni moins. »
Une volonté politique de déstabilisation ?
Il dénonce une stratégie municipale floue, voire cynique.
« Le PLU a été modifié pour transformer la zone de loisirs en zone tertiaire, permettant la construction de plus de 30 000 m². Le terrain a été promis à 5,6 millions, alors qu’il en vaut 20 à 30 millions. Tout ça est rocambolesque. »
L’ancien maire, qui avait soutenu le projet en 2015, ne fait plus partie de l’équipe municipale actuelle.
« L’ancien maire se bat pour qu’on reste, mais la politique a changé. Aujourd’hui, on veut nous faire disparaître. »
Pas d’animosité envers la concurrence
Sébastien Caille tient à clarifier : il n’a aucun problème avec la Pista, le club concurrent en construction, ni avec ses fondateurs.
« On nous oppose, mais ce n’est pas le vrai problème. Le vrai sujet, c’est la tentative de nous écarter sans concertation. S’il faut coexister demain avec d’autres clubs, très bien. On fera de Cabriès la capitale du padel. »

Le futur : rester ou partir ?
Si on lui propose un rachat correct, il est prêt à reconstruire ailleurs.
« Si on me dit : voilà 7 millions d’euros, reconstruisez le même club ailleurs, j’y vais. Mais sinon, je reste ici. On a investi, structuré, bâti une communauté. On a des événements FFT majeurs en 2026. »
Notamment les championnats de France U14 et U16, attribués au club sous condition de maintien.
« Les procédures sont en cours depuis 2022. Ça peut durer longtemps. »
L’Eldorado du padel ? Pas si simple
Sébastien Caille adresse aussi un message aux entrepreneurs séduits par l’essor du padel.
« Ce n’est pas l’Eldorado comme on le croit. Oui, c’est rentable si c’est bien géré, avec un bon emplacement, une belle communauté. Mais il faut du temps, de la passion, et de l’expérience. »
Il propose même d’aider ceux qui veulent se lancer.
« J’invite ceux qui veulent en savoir plus à m’écrire. Je répondrai volontiers. Je ne veux pas m’associer avec n’importe qui, mais partager ce qu’on a appris, oui. »
L’année 2025 pourrait bien marquer un tournant.
« Avec le nouveau complexe, on va redonner du souffle à WinWin. Tout ce contexte de procédures, ce n’est pas agréable. Mais on reste motivés, et on continue de se battre. »

Franck Binisti découvre le padel au Club des Pyramides en 2009 en région parisienne. Depuis, le padel fait partie de sa vie. Vous le voyez souvent faire le tour de France en allant couvrir les grands événements de padel français.