[tabs type=”horizontal”][tabs_head][tab_title]Flavien Bouttet[/tab_title][/tabs_head][tab]Favien Bouttet est chercheur associé au sein de l’équipe “Sport et sciences sociales” à l’Université de Strasbourg. Il mène des enquêtes sur les transformations du monde sportif et donc travaille en ce moment sur la diffusion du padel en France.[/tab][/tabs]

L’intérêt médiatique autour du padel pose au sociologue la question des conditions socio-historiques de diffusion de cette nouvelle discipline.

Invoquées par Bourdieu dès la fin des années 1970 [4], les approches socio-historiques du sport étudiant tant les contextes sociaux, les politiques institutionnelles que le rôle de certains acteurs individuels ont été largement développées par les chercheur.e.s, notamment au sujet du tennis [2].

L’émergence du padel

Ces travaux peuvent ainsi servir d’appui pour comprendre la manière dont le Padel a émergé ?

Comment les structures privées comme Casa Padel, mais aussi les clubs traditionnels et la fédération française de tennis se sont engagés dans la discipline et cherchent à la structurer ? Quels groupements ou associations existaient en amont ? Comment l’intérêt médiatique de ces derniers mois présenté dans le paragraphe précédent a-t-il pu exister ? Au niveau de cette dernière question, il faut souligner que la mise en lumière du padel est aussi une mise en lumière de certains acteurs engagés autour de la discipline.

Rares sont les articles qui ne sont pas accompagnés d’interviews d’acteurs participant au développement d’une structure, d’un média, ou d’un projet associatif. Ces acteurs, dont certains sont visibles à plusieurs reprises peuvent apparaître comme des entrepreneurs de cause, ou des promoteurs pour reprendre les termes de Samuel Julhe[3].

Au sujet des arts martiaux, Julhe analyse dans les processus d’institutionnalisation des disciplines un travail de promotion qui est aussi un travail de distinction des disciplines les unes par rapport aux autres. Les propos des promoteurs du padel renvoient à ces deux logiques : présenter une pratique conviviale, innovante, et la distinguer, par ces caractéristiques, des autres pratiques et notamment du tennis.

Tous les horizons s’intéressent au padel

Ce qui peut toutefois apparaître comme une nuance non négligeable dans le développement du padel par rapport au processus d’institutionnalisation d’autres disciplines étudiées par la sociologie et l’histoire du sport est la morphologie particulière de l’espace du padel.

La première partie a montré que l’émergence du padel se faisait à la fois dans des clubs de tennis associatifs traditionnels bénéficiant du soutien des collectivités territoriales propriétaires dans la majorité des cas des installations et, dans des structures privées marchandes faisant appel à des investissements privés.

En conséquence, les promoteurs de la discipline ont des profils et des trajectoires extrêmement variés.

Surtout, leurs intérêts divergent. Des entretiens exploratoires présentent des cas d’enseignants de tennis investissant le padel pour diversifier leur activité, de cadres du privé sans lien au monde sportif investissant dans des structures marchandes proposant la pratique du padel ou organisant des événements, ou encore des cas de dirigeants de la fédération française de tennis cherchant à enrayer une baisse du nombre de licencié au niveau national.

Les intérêts communs

Comme pour les différents acteurs d’un champ [1], tous ces acteurs ont néanmoins des intérêts communs. Ils ont notamment besoin d’une augmentation du nombre de pratiquants et de moyens investis dans la discipline. Lors des premiers entretiens réalisés avec certains de ces promoteurs (journaliste spécialisé, enseignant de tennis et de padel, responsable d’une société événementiel, formateur d’enseignants), il apparaît d’ailleurs que tous préfèrent mettre en avant des idées de coopération plutôt que de concurrence entre les différents acteurs, tant individuels qu’institutionnels. Il faut aussi noter que beaucoup de ces promoteurs du padel se connaissent et échangent entre eux, se rencontrent lors des événements. Ils font ainsi apparaître une forme de réseau de promoteurs du padel à l’échelle nationale.

[1]          Bourdieu, P. (1984), Comment peut-on être sportif, in Question de sociologie, (173-195), Paris : Éditions de Minuit.

[2]          Waser, A.M. (2004), Sociologie du tennis. Genèse d’une crise (1960-1990). Paris, L’harmattan ; Juhle, S. (2009), Les pratiques martiales japonaises en France. Institutionnalisation des disciplines et professionnalisation de l’enseignement, Actes de la recherche en sciences sociales, 179, 92-111. Defrance, J. (1989), Un schisme sportif [Clivages structurels, scissions et oppositions dans les sports athlétiques, 1960-1980], actes de la recherche en sciences sociales, 79, 76-91.

[3]          Op. Cit.

[4]          Bourdieu, P. (1984). Quelques propriétés du champ, in Questions de sociologie (113-120). Paris : éditions de minuit.

Franck Binisti

Franck Binisti découvre le padel au Club des Pyramides en 2009 en région parisienne. Depuis, le padel fait partie de sa vie. Vous le voyez souvent faire le tour de France en allant couvrir les grands événements de padel français.