L’année 2022 a confirmé l’engouement de la France pour le padel. C’est le cas pour le nombre de joueurs licenciés (25 000 en septembre dernier) et pour celui des joueurs non licenciés, qui pourrait atteindre 500 000, selon les estimations les plus généreuses. Le nombre de terrains dépasse les 1250 pistes de padel référencées FFT, tandis que le site Padelonomics en recense 1464, dont 259 créées en 2022.

Malgré ces bons chiffres, l’Hexagone n’est pas le pays d’Europe où le padel est le plus dynamique. Sans parler du berceau espagnol, où le nombre de pratiquants flirte avec les 4 millions, des pays comme l’Italie, la Belgique et la Suède voient un boom de la pratique inédit dans le domaine sportif. Les infrastructures y sont plus nombreuses qu’en France, de même que le nombre de joueurs, rapporté à la population de chaque pays.

En outre, dans ces pays, il est généralement plus facile de suivre des cours de padel et ce pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles est qu’il faut de gros clubs pour que ceux-ci vouent au moins une piste à l’enseignement. “Aujourd’hui en France, il y a seulement une centaine de clubs qui ont quatre terrains ou plus et donc la possibilité d’accueillir un professeur de padel à plein temps”, constate Romain Taupin, le créateur de Padelonomics, lui-même entraîneur de padel formé en Espagne.

Une situation paradoxale

La situation de l’enseignement du padel en France est pour le moins paradoxale. D’un côté, nous avons des milliers de moniteurs de tennis titulaires d’un Brevet d’État ou d’un Diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (DEJEPS) mention tennis. Ceux-ci ont le droit d’enseigner le padel et la possibilité de passer en une semaine et 40 heures de formation un Diplôme fédéral de moniteur de padel (DFMP).

Pourtant, peu nombreux sont les moniteurs de tennis qui misent sur le padel : la majorité sont trop occupés par leurs cours de tennis, certains ne sont pas motivés par le padel ou constatent que peu de clubs ont de quoi les faire vivre de cet enseignement. Autre frein : les gros clubs en France sont des entreprises privées à but lucratif, alors que les enseignants de tennis travaillent le plus souvent dans des clubs associatifs, parfois en tant que salariés.

A ces constats, Romain Taupin en ajoute un autre, concernant le nouveau TFP (Titre à finalité professionnelle), un diplôme 100% padel, qui implique 240 heures de formation (coûtant 4500 €) étalées sur 4 à 6 mois : “Ceux qui passent le TFP padel viennent gonfler les rangs de ceux qui postulent pour travailler dans la centaine de clubs assez gros pour avoir un enseignant. Or, dans la petite dizaine de ligues françaises (sur 18) où ce TPF existe, on forme chaque année davantage d’enseignants que le nombre de gros clubs créés en un an. Cela débouche donc sur un excédent de professeurs, qui ne peut que s’accentuer dans les prochaines années, car la croissance du padel en France se fait surtout avec des petits clubs.”

Comme on l’a dit, Romain Taupin a été formé à Barcelone, dans l’académie de Pablo Ayma, l’actuel entraîneur de l’équipe de France masculine. Mais son diplôme espagnol ne l’autorise pas à enseigner en France, faute d’équivalence. Dommage, car il en aurait les compétences, ce dont attestent les tutoriels de sa chaîne Youtube. Et dans les nombreuses ligues françaises où le TFP n’est pas encore proposé, il y a pénurie d’enseignants de padel.

Il faut être surdiplômé pour former des débutants

On touche là à un autre paradoxe de l’enseignement en France, où il faut être surdiplômé même pour montrer les rudiments du padel à des débutants.

Ailleurs en Europe, il est beaucoup plus facile de devenir enseignant de padel. En Italie, par exemple, il existe trois formations pour enseigner le padel : niveau 1, niveau 2 et moniteur (“maestro”), ce dernier étant le plus capé. En Belgique, aucun diplôme n’est même nécessaire pour se proclamer prof de padel et avoir le droit d’enseigner librement. Mais pour ceux qui le souhaitent, des formations sont dispensées : la plus basique, celle d’initiateur, ne dure qu’une semaine.

La majorité des cours sont dispensés à des élèves débutants ou intermédiaires

Analysant les raisons du succès du padel en Belgique, Romain Taupin cite justement cette formation : “Grâce à une formation d’une petite semaine ouverte à tous, on peut devenir initiateur de padel ! C’est-à-dire qu’en une semaine ils forment des passionnés qui vont tout donner à 100% pour convertir de nouveaux joueurs ! […] Je préconise de prendre exemple sur l’Espagne ou la Belgique, où l’on propose des formations beaucoup plus courtes, sur une semaine. L’idée, c’est de donner les bases du padel à des initiateurs, afin de pouvoir ensuite former des publics débutants et amateurs. En revanche, pour enseigner à haut niveau, il faut bien sûr une formation approfondie. On peut très bien imaginer une formation en deux temps : entraîneur niveau 1 puis entraîneur niveau 2”.

Les initiateurs, “des évangélistes” du padel

Mais comment faire travailler des milliers d’initiateurs alors que les clubs pouvant faire vivre un enseignant sont si rares ?

La différence principale, c’est qu’un initiateur a un autre métier et ne donne que quelques heures de cours par semaine. A petite dose, cela peut se faire également dans de petits clubs, où de tels passionnés en convertissent de nouveaux et accélèrent le boom du padel.

Romain Taupin en est convaincu : “Ces mordus sont en quelque sorte des évangélistes de ce sport. Ils font croître le padel rapidement et augmentent la demande : du coup, les taux de remplissage seront meilleurs et les investisseurs se disent qu’il est vraiment intéressant d’investir. Donc la croissance est encore plus rapide : on aboutit ainsi à un cercle vertueux, avec un risque diminué pour ceux qui s’y lancent, que ce soit les enseignants ou les investisseurs.”

Et Romain Taupin de conclure :

“Pour moi, faire une formation très lourde pour tous les professeurs afin qu’ils deviennent des experts et enseignent à haut niveau, c’est se tromper de contenu dans la formation. C’est oublier que 95% des pratiquants de padel ne rêvent pas du tout de haut niveau : ils rêvent simplement de s’amuser après une journée de travail. Ils veulent oublier leur quotidien, connaître d’autres personnes et le faire avec un bon animateur, qui va corriger deux ou trois petits défauts sans aller dans des exercices de gammes qui vont frustrer les élèves. On est là dans l’air du temps : la recherche du plaisir immédiat.”

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Après 40 ans de tennis, Jérôme tombe dans la marmite du padel en 2018. Depuis, il y pense tous les matins en se rasant… mais ne se rase jamais pala en main ! Journaliste en Alsace, il n’a d’autre ambition que de partager sa passion avec vous, que vous parliez français, italien, espagnol ou anglais.