« Y aaaaa paaaas le feu au laaac ! », a-t-on coutûme de dire en France quand on veut se moquer de nos amis Suisses. Cette lenteur proverbiale, inspirée par l’accent traînant des Romands et le caractère posé des Bernois, vient-elle ralentir l’essor du padel hélvétique ?

On ne parle pas là de la vitesse du jeu, puisqu’en padel – et notamment en Espagne – savoir jouer lentement (et patiemment) est une qualité que beaucoup de tennismen mettent des années à acquérir. La lenteur en question est celle avec laquelle le padel se développe en Suisse, un des pays les moins avancés d’Europe en la matière.

Début 2021, on estimait à seulement 4500 le nombre de pratiquants en Suisse et à une trentaine le nombre de lieux où l’on pouvait jouer. Ces chiffres ont progressé depuis, avec désormais une centaine de terrains dans 45 sites, et probablement une dizaine de milliers de pratiquants… (lire plus bas)

Hornuss et quilles Saint-Gall, une concurrence ?

A la faveur de la parution d’un intéressant article de Mathieu Aeschmann sur le site économique Bilan.ch, nous allons essayer de comprendre pourquoi le boom que connaît le padel en Italie (6000 pistes), Suède (3500 pistes), Belgique (1500 pistes) ou France (1300 pistes) se répercute avec retard en terre helvète.

Un manque cruel de pistes.- Si le padel cartonne moins en Suisse qu’ailleurs, ce n’est pas à cause de la concurrence des sports traditionnels et typiques que sont le hornuss ou les quilles Saint-Gall (d’origine alsacienne, selon certains). Les Suisses qui adoptent le padel sont généralement séduits de la même manière que les autres Européens. Mais hélas pour eux, ils ont très peu de terrains pour pratiquer. « En hiver à Genève, il y a quinze jours d’attente pour obtenir une piste », déplore un des témoins interrogés par Mathieu Aeschmann.

Le frein du prix ? Jouer au padel en Suisse est généralement plus cher qu’en France et naturellement qu’en Espagne. Mais ce n’est pas ce qui freine ce sport dans un pays où le salaire minimal dépasse les 3000 € et où le niveau de vie est très élevé. Et d’ailleurs, certains clubs suisses, privés ou associatifs, offrent des conditions très attractives.

Loyers trop chers, salaires trop élevés.- Ce qui freine véritablement l’ouverture de centres privés dédiés au padel, c’est le prix très élevé des loyers, notamment dans les zones les plus peuplées. L’article de Bilan.ch cite des prix moyens de 30 000 francs suisses (presque autant d’euros) par mois pour louer un complexe de 3000 m². Une telle surface permettra de loger un grand maximum de huit à dix terrains, à condition de limiter l’espace occupé par les vestiaires et le bar, indispensable à la convivialité du lieu. Si l’on ajoute à cela le coût des salariés, plus élevé qu’ailleurs en Europe (Luxembourg excepté), on voit que la rentabilité est plus dure à atteindre.

Ce club de Bâle est lun des moins chers de Suisse Cest même gratuit tous les mardis soirs

Où sont les stars du foot ? Plutôt que de louer, est-il préférable d’acheter ou de construire une salle vouée au padel en Suisse ? Dans ce pays où il faut souvent s’endetter sur plusieurs générations pour devenir propriétaire, cela relève du rêve, car il faudrait des décennies pour amortir l’investissement. Du coup, les milliardaires ne se bousculent pas pour investir : ainsi, les anciennes stars du foot vivent en Suisse surtout pour des raisons fiscales – et pas pour y injecter leur magot, comme elles le font en Italie, en Suède ou même en France.

Le prix des pistes.- Cela ne concerne pas que la Suisse, mais toute l’Europe : alors qu’une piste de padel pouvait coûter 25 à 30 000 euros il y a encore trois ou quatre ans, ce tarif a quasiment doublé depuis. En cause, la hausse des matières premières, celle des carburants et l’explosion de la demande qui incitent les constructeurs à monnayer chèrement leurs services.

Le financement public presque absent.- Contrairement à la France, où les clubs associatifs peuvent bénéficier de subventions très importantes des municipalités, des départements et des régions, le développement du padel en Suisse ne profite que rarement d’argent public.

Une fédération peu puissante.- Swiss Padel (ou SUIPA) la fédération suisse de padel, est indépendante de la fédération de tennis. Elle est donc très très loin d’avoir la puissance financière, les salariés, les infrastructures et l’expertise dont jouit la Fédération française de Tennis, qui chapeaute le padel depuis 2014 et mise gros sur ce sport. Et bien évidemment, il n’existe pas en Suisse de lieu aussi mythique que Roland-Garros pour accueillir les meilleurs joueurs de padel du monde et favoriser une médiatisation internationale.

Bière en libre-service

Mais tout espoir n’est pas perdu pour les aficionados suisses de padel. Beaucoup viennent parfois jouer dans les pays frontaliers – France et Italie en tête – pour profiter d’infrastructures plus nombreuses et de tarifs inférieurs.

Pourtant, certains Suisses bénéficient de conditions avantageuses : c’est le cas des joueurs du club atypique de Klybeck, à Bâle, offrant une piste unique de couleur rose, où l’heure de jeu coûte moins de 7€, balles et raquettes comprises et bière en libre-service. Mieux, la pratique y est libre et gratuite tous les mardis soirs dès 19 h… A ce prix-là, ce sont les Français qui traversent la frontière pour goûter le padel à la suisse !

« La fédération SUIPA (Swiss Padel) recense actuellement une centaine de terrains dans toute la Suisse, répartis sur 45 à 46 sites différents. L’année 2022 a vu l’ouverture de nouveaux sites tous les mois.  Le nombre de licenciés actifs tourne autour des 800. Le nombre de compétitions proposées est également en croissance, avec notamment des interclubs regroupant 38 équipes de 6 à 9 joueurs, dans quatre ligues différentes. Autre excellent signe : les sponsors commencent à s’intéresser au padel, de même que les autorités régionales, qui incluent le padel dans leurs plannings de constructions sportives. »

Manuel Faure, vice-président de SUIPA

Après 40 ans de tennis, Jérôme tombe dans la marmite du padel en 2018. Depuis, il y pense tous les matins en se rasant… mais ne se rase jamais pala en main ! Journaliste en Alsace, il n’a d’autre ambition que de partager sa passion avec vous, que vous parliez français, italien, espagnol ou anglais.