Vainqueur de l’Open d’Australie en 2002, ancien coach de David Goffin, Thomas Johansson est depuis décembre dernier le General Manager de l’APT Padel Tour. Pour Padel Magazine et juste avant le début de l’Open du Paraguay, le Suédois a longuement évoqué la courbe de croissance du padel ainsi que ses ambitions pour ce circuit qui se veut plus international que le World Padel Tour.

“Le confinement a créé une exposition immense”

Quelle est la situation du padel en Suède à l’heure actuelle ?

“Le padel en Suède se propage plus vite que la COVID- 19 ! C’est impressionnant à voir. Je crois que la Suède est le pays au monde où le padel grandit le plus vite. C’est en pleine expansion. Cela a commencé il y a 6 ou 7 ans, notamment avec Jonas Björkmann et d’autres personnes dans le sud du pays. De nombreuses structures ont été ouvertes. C’est devenu l’un des sports les plus pratiqués parce que c’est très social. Si vous avez un minimum de coordination grâce à la pratique du tennis, du football ou du hockey sur glace, vous pouvez atteindre un bon niveau rapidement. Autre aspect important : vous n’êtes pas dépendant du niveau des autres pratiquants. Par exemple, vous pouvez jouer êtes 3 avec un bon niveau et un débutant, vous allez quand même passer un bon moment. Au tennis, ce n’est pas possible.”

Le fait que le padel soit un sport qui respecte les distanciations sociales a contribué à son essor récent ?

“Effectivement car les structures ont été autorisées à ouvrir en Suède. Pas tout le temps mais l’essentiel du temps. Ça a été formidable pour le business du padel. Les gens ont pu découvrir cette discipline à ce moment-là.”

Le nombre de terrains ne cesse d’augmenter en Suède

La croissance du padel en Suède a-t-elle des liens avec le fait que ce soit un sport que l’on peut pratiquer en salle ?

“Nous avons une majorité de pistes indoor, précisément par rapport au climat. Cependant, je constate que de nombreux courts sont créés outdoor à proximité des clubs de golf. Il y a de nombreux parcours en Suède et on voit souvent qu’il y a plusieurs terrains qui s’ajoutent à l’offre. Je ne connais pas le chiffre précis de terrains disponibles en Suède mais ça ne cesse d’augmenter. C’est une immense satisfaction d’assister à ça.”

Le padel et la Suède sont liés à Zlatan Ibrahimovic qui a ouvert la franchise Padel Zenter. Que représente-t-il dans le développement de la popularité de la discipline ?

“Zlatan Ibrahimovic et Jonas Björkman sont très importants, même s’ils ont des visions très différentes dans leurs projets de construction de terrains. Pendant le confinement et les restrictions, de nombreux artistes qui ne pouvaient pas travailler ont commencé à jouer au padel. Cela a créé une exposition immense. J’étais en Suède récemment et j’ai revu des gens que je n’aurais jamais imaginé en tenue de sport et pourtant ils jouent désormais au padel jusqu’à 3 fois par semaine ! Potentiellement, le padel peut devenir l’un des sports les plus importants au monde.”

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“Avec le padel, j’apprends toujours quelques chose de nouveau”

Que penses-tu de la nomination de Jonas Björkman en tant que capitaine de l’équipe nationale de Suède ?

“Je trouve ça très intéressant car il pourra transmettre toute son expérience acquise au tennis, que cela soit pour l’aspect mental mais aussi pour la préparation physique pour devenir un joueur professionnel. Sa présence est importante non seulement pour le padel suédois mais aussi pour tout le circuit en général. Pour l’heure, le padel est un petit sport mais il grandit si vite qu’il va devenir un sport de masse dans les prochaines années. Je suis enchanté de voir d’anciens champions de tennis s’impliquer dans le padel car nous pouvons contribuer à son essor.”

La présence d’anciens joueurs de tennis permet-elle d’attirer un nouveau public grâce à leur notoriété ?

“Quand j’ai arrêté le tennis, le premier sport que j’ai pratiqué, c’est le golf. J’y ai vraiment beaucoup joué pendant près de 3 ans. Mais quand vous avez des enfants, le golf vous prend trop de temps. J’ai découvert le padel et c’était parfait : sur un créneau de 2h, tu joues 1h30, tu t’amuses, tu te défoules et tu peux retourner à tes occupations. Le golf, c’est toute la journée. J’aime beaucoup jouer au golf mais au padel, peu importe avec qui je joue, j’apprends toujours quelque chose de nouveau. C’est vraiment ce que je recherche dans le sport et que je ne retrouve pas dans le tennis parce que j’ai fait ça toute ma vie.”

Moins de frustration qu’au golf peut-être également ?

“Oui tout à fait ! Le golf est un sport particulièrement difficile et plus on joue plus ça devient difficile. Au padel, on joue en double et la frustration peut devenir une force. Je prends plus de plaisir au padel qu’au golf.”

https://youtu.be/WlvNybjKWDw

Les anciens champions de tennis font la promotion du padel

Vous avez gardé les bonnes habitudes du tennis avec Thomas Enqvist ?

“J’ai beaucoup joué au tennis avec lui et maintenant au padel effectivement ! Thomas est un de mes meilleurs amis, il vit désormais Aix-en-Provence et avant la crise sanitaire, nous passions beaucoup de weekends ensemble. Il joue au padel comme il jouait au tennis, il bondit sur toutes les balles et frappe fort, malheureusement il ne laisse presque jamais passer la balle et nos adversaires en tirent souvent profit. On fait souvent de grands matches et on s’amuse beaucoup. J’aimerais d’ailleurs qu’il y joue un peu plus !”

Existe-t-il une manière suédoise de jouer au padel ? Avec la grande tradition de volleyeurs qu’il y a en Suède, on imagine que c’est tourné vers l’offensive.

“Le padel est un sport récent en Suède, depuis 7 ou 8 ans. Donc c’est assez nouveau. Nous devons donc trouver de nouveaux entraîneurs espagnols ou sud-américains pour nous expliquer comment jouer au padel. En Suède et pas uniquement, ce sont d’anciens joueurs de tennis qui entraînent. Alors oui, nous sommes bons avec une raquette et une balle mais enseigner est différent. Cela prend du temps même si la Suède ont atteint un vrai bon niveau car la fédération a investi dans des coaches étrangers. J’espère que nous aurons des équipes sur l’APT et le WPT dans un futur proche.”

Il est crucial pour le padel suédois d’avoir des champions rapidement ? En tennis, depuis Robin Söderling, on constate une baisse d’intérêt dans la pratique et ça atteint la formation et l’éclosion de talents.

“En Suède, en ce qui concerne le tennis, nous ne sommes pas parvenus à attirer les enfants des banlieues des grandes villes. A l’inverse, les clubs de football ont profité de la célébrité de Zlatan Ibrahimovic. C’est une icône et il a attiré tellement d’enfants, garçons comme filles… Il a réussi là où le tennis a échoué car nous nous sommes certainement plus focalisés sur les grandes villes. Pourtant à l’extérieur de celles-ci, il y a énormément de talent et beaucoup de détermination pour accomplir les choses. C’est ce que le padel suédois doit faire. C’est que je constate et qui me plaît : le padel ne se concentre pas uniquement dans les grandes villes mais il grandit aussi dans les banlieues alentours. C’est pour cela que je crois que la Suède deviendra une grande nation du padel.”

“Avec l’APT, je combine ma passion et mon travail”

Vous êtes le General Manager de l’APT Padel Tour. Pourriez-vous décrire les grandes lignes de ce projet ?

“L’APT Padel Tour propose des tournois sur 3 continents : Europe, États-Unis et Amérique du Sud. Le padel est ma plus grande passion depuis 5 ans et devenir le nouveau General Manager de l’APT est un grand honneur parce que je peux combiner ma passion et mon travail. Notre objectif est de créer un circuit différent. Le message le plus important que nous souhaitons adresser est que l’APT veut être un circuit pour tous et que nous voulons grandir dans de nombreux pays car cela permettrait à plus de monde de découvrir ce sport merveilleux.”

Existe-t-il un risque de dispersion de l’intérêt avec la présence du WPT d’un côté et de l’APT de l’autre. La présence de plusieurs fédérations n’a jamais marché, la boxe en est un très bon exemple.

“J’entends ce que vous dites mais je pense qu’actuellement il y a de la place pour les deux circuits car le padel est pour le moment un sport modeste mais qui grandit très vite. Nous travaillons de manière différente. L’APT est plus global, nous voulons toucher plus de monde. Le plus important pour l’APT est d’être mondial pour qu’il y ait davantage de pratiquants. C’est pour cela que nous travaillons avec de jeunes joueurs. C’est le sens de notre implication avec la coupe Fabrice Pastor, un tournoi de charité qui a eu un grand succès ces dernières années. Nous voulons donc offrir plus de temps aux jeunes joueurs et aux jeunes joueuses dans le padel.”

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A propos, où en est le développement du circuit féminin de l’APT ?

“C’est un aspect crucial pour nous car, quand nous affirmons que ce circuit doit s’adresser à tous, cela signifie qu’il doit y avoir des matches féminins. Nous travaillons intensément sur le lancement d’un circuit féminin. Nous ferons des annonces très bientôt. En Suède, la pratique sociale hommes/femmes est très équilibrée, c’est du 50/50. En revanche, concernant l’aspect compétitif, il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes. C’est un défi que veut relever l’APT : attirer plus de femmes dans les compétitions de padel.”

“Nous devons créer des icônes pour éveiller l’intérêt”

L’APT pourrait-il se lancer dans une sorte de politique de transferts pour attirer les meilleurs joueurs du WPT et créer une rivalité ?

“Aussi bien l’APT que le WPT doivent penser à ce qu’il y a de meilleur pour le padel. Je ne suis pas intéressé par la création d’une rivalité. Je veux simplement le meilleur pour le padel, indépendamment des intérêts privés. Nous avons tous une immense chance de pouvoir faire grandir la discipline. C’est le moment où jamais pour faire quelque chose de très important pour le padel. Nous avons de très grands joueurs et ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne deviennent très connus dans de nombreux pays dans le monde. Nous devons créer des icônes car c’est comme cela que l’on éveille de l’intérêt, surtout celui des enfants. Je ferai absolument tout pour faire grandir le padel et dans les meilleures conditions. En tant que tennisman, j’ai joué dans l’un des sports le plus populaires au monde. J’ai vu ce qui a été réalisé et je veux utiliser toutes les bonnes choses que j’ai pu voir et m’en inspirer pour le padel.”

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Développer le padel partout dans le monde

Rêvons un peu : peut-on imaginer d’ici 5 ou 10 ans, une sorte de SuperBowl du padel entre les meilleurs joueurs du WPT et ceux de l’APT ?

C’est une bonne idée ça ! L’idée est très bonne mais nous devons avant tout développer le padel partout dans le monde. J’aime beaucoup ce que je vois en Suède, je discute avec beaucoup de fédérations et je vois que le padel se développe dans des pays où je n’aurais pas pensé que ça pourrait marcher. C’est un grand défi qui se propose à nous pour les prochaines années : développement en Europe et aux États-Unis, porter notre attention sur l’Asie. Tout d’abord, il faut construire des terrains pour donner aux gens l’envient de jouer et de voir des matches. A l’APT, nous avons envie d’œuvrer pour le développement de la pratique du padel.”

L’APT sera donc plus tourné vers l’internationalisation du padel que ne peut l’être le WPT ?

“Notre objectif est de devenir plus global et d’attirer davantage de joueurs dans le monde pour qu’ils puissent tout simplement en vivre. A l’heure actuelle, très peu de joueurs et de joueuses peuvent vivre du padel. Pour que la discipline continue de grandir, il faut que plus de joueurs puissent s’en sortir financièrement. J’aimerais qu’il y ait des fédérations puissantes en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud qui puissent y parvenir. Nous avons de nombreuses idées et beaucoup de projets intéressants. Cela prendra du temps, Rome ne s’est pas construite en un jour. Nous devons être patients mais je pense que nous avons une bonne stratégie pour que le padel devienne l’un des plus grands sports au monde.”

François Miguel Boudet Journaliste padel sport

Je suis un Journaliste sportif installé à Barcelone et forcément un mordu de padel.

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