Dans notre série “les gros poissons mangent les petits poissons” ou “comment le capitalisme n’a rien à envier au cannibalisme”, penchons-nous aujourd’hui sur le récent et surprenant rapprochement entre le World Padel Tour et Premier Padel.
Le circuit que possède une marque de bière espagnole et celui appartenant à des milliardaires qataris semblaient bien partis pour se livrer une guerre sans merci… Et pourtant, contre toute attente, ces deux ennemis jurés pourraient fusionner en un seul circuit, comme le réclament d’ailleurs les joueurs professionnels.
Des oiseaux qui chantent, des faons qui gambadent
Dans un monde parfait, ces derniers auraient obtenu satisfaction car leur cause est juste et leurs revendications nobles. Pourquoi subir une guerre passablement destructrice quand il est possible d’assurer au padel un avenir radieux, avec des petits oiseaux qui chantent et des faons qui gambadent dans une prairie verdoyante, baignée de soleil ?
Dans la réalité, les ressorts de la paix ont d’autres justifications que l’utopie d’un paradis terrestre. En clair, si une issue pacifique semble aujourd’hui possible entre le WPT et Premier Padel, c’est probablement parce qu’un de ces deux poissons a fait comprendre à l’autre qu’il allait le croquer tout cru.
Confronté en 2022 à un concurrent qui a, pour certains tournois, quintuplé les prize money attribués aux joueurs, le World Padel Tour a bien tenté de reprendre la main en 2023. Le circuit espagnol a proposé aux joueurs de meilleures conditions et de meilleures rémunérations, à condition toutefois de signer un contrat contraignant.
Mais cette proposition a été largement boudée par les joueurs hommes et l’association qui les fédère, PPA. Côté féminin, après une année 2022 marquée par un respect du contrat signé par les meilleures avec le WPT (qui court jusqu’à fin 2023), les joueuses sont de plus en plus tentées de céder aux sirènes de Premier Padel, qui cherche à les amadouer. L’association des joueuses de padel professionnelles (IPPA) a d’ailleurs salué l’ouverture des discussions entre le WPT et Premier Padel.
On ne monnaie pas un champ de ruine
Qu’il le veuille ou non, le WPT ne pourra pas obtenir que les meilleurs joueurs mondiaux lui restent fidèle. Et le fait de blinder son calendrier 2023 avec 27 tournois présumés obligatoires ne fait que braquer les joueurs et joueuses et les inciter à se révolter contre ce diktat, y compris juridiquement.
Ajoutons que le WPT est fragilisé car il a perdu un de ses deux actionnaires, Rucio Investments, en juillet dernier. Setpoint Events S.A, désormais seul propriétaire du WPT, a-t-il les reins assez solides pour venir à bout du géant qatari QSI, soutenu par la Fédération internationale de padel ? C’est peu probable.
Alors qu’il se dit que Premier Padel aurait fait / ferait une offre de rachat (ou de fusion) au WPT, ce dernier a-t-il d’autres options que d’accepter ? Si les deux circuits et leurs actionnaires devaient se lancer dans une guerre ouverte, le circuit espagnol aurait tout à perdre. Ce dernier peut encore tirer profit aujourd’hui en monnayant son expérience et son savoir-faire alors qu’un combat sans merci pourrait le laisser exsangue : or, on ne monnaie pas un champ de ruine !
Pour les joueurs professionnels, pour les fans de padel et pour le grand public, il n’y a que des avantages à aller vers un circuit professionnel unifié, avec un classement unique et un calendrier raisonné. A une condition toutefois : que ce nouveau circuit n’abuse plus de sa de position dominante au détriment des joueurs.
Après 40 ans de tennis, Jérôme tombe dans la marmite du padel en 2018. Depuis, il y pense tous les matins en se rasant… mais ne se rase jamais pala en main ! Journaliste en Alsace, il n’a d’autre ambition que de partager sa passion avec vous, que vous parliez français, italien, espagnol ou anglais.