REPORTAGE – Véritable phénomène en Espagne avec près de quatre millions d’adeptes, le padel prend, au fil des années, son envol en France. Avec Padel Attitude à Lesquin (près de Lille) et le Real Padel Club à Sophia-Antipolis, le Complexe fait partie de l’un des trois clubs majeurs dans l’Hexagone.
Ici, deux pas suffisent pour rejoindre le court de Wimbledon depuis celui de Roland-Garros. Ici, c’est le Complexe. Un centre multi-sports d’un hectare et demi – dont 3500m2 de bâtiment – qui a vu le jour le 4 juin 2014, à la porte de Manosque. Outre ses quatre terrains de foot à 5, le Complexe se distingue car il est l’un des premiers sites en France à avoir proposé du padel. Le premier, tout au moins, estampillé de la marque Henri Leconte. Installé dans un des fauteuils en cuir de la salle de restauration, Olivier Amoureux, 40 ans, l’un des deux co-fondateurs explique les motivations d’un tel choix : « C’était un pari un peu fou d’ouvrir ça sur Manosque, dans cette petite ville de 23 000 habitants. Dès le départ, nous avions prévu le foot à 5 dans nos activités. Mais on savait que pour la clientèle cela pouvait être assez compliqué parfois de se retrouver à 10 pour organiser un match. »
Il se redresse et poursuit : « Alors nous avons voulu proposer une offre pour combler ce manque. Quelque chose de novateur. » Pourtant, au moment d’entamer le projet, aucun des deux entrepreneurs ne connaît cette discipline. « Pour nous il s’agissait d’un sport nautique, qui se pratiquait sur une planche et avec une pagaie », se souvient l’ancien gérant d’une pizzeria. C’est un ami à eux, domicilié à Malaga, qui leur propose de se renseigner sur cette activité. « Il nous disait que les propriétaires de villas en Espagne enlevaient leur piscine pour mettre des courts de padel à la place. » Un petit tour sur internet, quelques visionnages de vidéos, et voilà que Laurent Chaumeton, son associé, décide de coucher sur papier les plans des trois courts qui seront construits en complément du futsal.
Pendant les mois qui suivent, tout s’enchaîne rapidement. « On a fait une étude de marché, des plans prévisionnels, rembobine Olivier. Plus les semaines avançaient et plus les sentiments se bousculaient. De la hâte, du stress, puis de l’euphorie. »
Avantage Leconte
Le 4 juin 2014, le Complexe ouvre ses portes après neuf mois de travaux. Sans l’appui de la municipalité, à travers des subventions ou l’organisation de journées découverte pour les jeunes, la démocratisation de cette discipline s’annonce compliquée. Mais le duo d’entrepreneurs peut compter sur un coup de pouce opportun d’un ancien champion de tennis : Henri Leconte. La suite, c’est Laurent qui la raconte, tandis qu’il rejoint son associé dans l’espace lounge : « Il a entendu parler de notre projet, alors il a voulu bénéficier de la vitrine qu’il y avait ici pour lancer son enseigne. Le partenariat était le suivant : lui pouvait poser son nom sur nos murs, et en contre partie il s’engageait à créer des événements, des animations, à faire vivre le padel autour de son nom. L’avantage d’avoir un partenaire comme Henri Leconte, c’est que c’est un passionné et qu’il s’investit pleinement. » Très vite, de par le soutien de l’ancien tennisman, mais surtout par le travail engrangé par les deux gérants, le padel attire quelques curieux au Complexe.
Au bout de quelques semaines, Olivier et Laurent dégagent une tendance. Les clients les plus récurrents sont les employés des entreprises locales qui viennent taper des balles entre midi et deux, avant de s’attabler au restaurant pour déjeuner. Les autres créneaux les plus prisés sont le mardi et le jeudi soir, entre 18 et 21 heures. « Depuis deux ans, sur six jours d’ouverture, on compte en moyenne une quarantaine de visiteurs par jour », complète Olivier dans sa chemise noire et son jean brut, en véritable chef d’entreprise qu’il est.
Outre ces salariés, d’autres personnes viennent s’essayer à cette discipline. Parmi eux, Sylvain et Vanina, un jeune couple ayant emménagé dans les Alpes de Haute-Provence quelques mois plus tôt. Lui, journaliste sportif et juge de ligne au tennis à ses heures perdues, n’est pas étranger à l’univers des sports de raquette. Elle, n’a pas la même aisance raquette en main. « Sylvain m’a proposé d’essayer et j’ai simplement dit oui. Je suis plutôt novice mais j’essaye de faire de mon mieux. Parfois ça passe de l’autre côté du filet sans trop savoir comment… », plaisante la responsable en marketing et communication.
Le tennis facile
Et pourtant, de l’avis de beaucoup de pratiquants, le padel est l’un des sports de raquette les plus instinctifs. « J’ai l’impression que c’est plus accessible que le tennis, peut-être moins exigeant techniquement. Le fait d’avoir des parois qui délimitent le court, visuellement ça aide à jouer dans le terrain », argumente celui qui est aussi un adepte du tennis. Sur ce point, Olivier Amoureux le rejoint : « Ca ne demande pas grand chose. Juste la volonté d’essayer. C’est l’activité la plus facile à maîtriser en l’espace d’une demi-heure. On peut tout de suite s’amuser, peu importe qu’on joue avec quelqu’un de même niveau on non. » Son associé, fils de Michel Chaumeton, figure manosquine, complète : « Ce n’est pas un sport de puissance, mais plutôt de toucher. Il faut pouvoir anticiper les rebonds, les trajectoires, les courses des adversaires… Les coups les plus efficaces sont les coups placés, où la balle s’écrase dans un angle. Une frappe puissante peut donner une balle d’attaque pour l’adversaire », contrairement au tennis et au squash.
Autre particularité : l’instrument utilisé. « Son aspect est amusant. On dirait une poêle pour faire cuire des marrons », décrit Vanina. Presque. « La raquette, composée de polyester, de graphite et de carbone, est trouée pour faciliter la pénétration dans l’air. Elle est également relativement épaisse pour pouvoir absorber le choc avec la balle », précisait Henri Leconte dans un reportage diffusé sur Télématin.
De par ses règles, l’apparence de la raquette, la configuration du court et le fait qu’il se joue essentiellement en double, le padel s’apparente comme un sport à la fois ludique et enclin à une pratique en compétition. Pas un hasard, donc, que la Fédération française de tennis, « forte de son million de licenciés, mais soucieuse aussi de stopper l’érosion du nombre de ses pratiquants, ait décidé de s’intéresser sérieusement à cette discipline en ayant obtenu l’agrément du ministère des Sports qui lui a confié la responsabilité de gérer le padel jusqu’au 31 décembre 2016 par le biais d’une délégation », comme l’expliquait Tennis Magazine en juillet 2014.
Harry Hozé découvre le padel un peu par hasard, grâce à un ami. Véritable passionné de tennis, il accroche de suite avec cette discipline. Son jour de gloire intervient en mai 2017 lorsque, dans le cadre d’un reportage pour un journal régional, il tape la balle avec Henri Leconte.