Il existe aujourd’hui un vrai sujet autour du classement padel FFT : un système basé sur les 12 meilleurs résultats sur les 12 derniers mois, qui récompense en partie la performance… mais aussi beaucoup le volume de jeu.

L’idée d’un classement type ELO revient de plus en plus souvent dans les discussions : un modèle où l’on gagne des points en battant plus fort que soi, et où l’on en perd en s’inclinant contre moins bien classé. Est-ce une piste crédible pour faire évoluer le padel français ?

En reprenant notre article du 15 novembre dernier sur les vrais “faux niveaux” ou encore celui de juin dernier ou d’octobre 2024, et au regard des nombreux retours que nous avons reçus, nous avons tenté une nouvelle exploration de cette fameuse thématique du classement, en fonction des victoires et des défaites.

1. Le système actuel : 12 meilleurs résultats sur 12 mois

Officiellement, le classement FFT de padel est :

  • Individuel, informatisé, glissant
  • Publié le 1ᵉʳ mardi de chaque mois
  • Calculé sur les 12 meilleurs résultats obtenus au cours des 12 derniers mois

Les points dépendent :

  • de la catégorie du tournoi (P25 à P2000),
  • du rang atteint dans le tableau,
  • du nombre de paires engagées, via des barèmes officiels.

Concrètement, pour simplifier :

  • si vous jouez peu mais que vous faites quelques gros résultats, votre classement peut rester correct…
  • mais ceux qui jouent beaucoup ont plus d’occasions de remplir leurs 12 tournois avec de bons résultats, en allant chercher des points dans différents tournois, parfois sur des tableaux plus abordables et surtout avec le boom du nombre de tournois.

C’est là que se crée le sentiment, de plus en plus répandu, d’un “faux niveau”, où le rang FFT ne reflète pas toujours le niveau réel sur le terrain.

2. Ce que changerait un système ELO

Le système ELO est né aux échecs, puis a été adapté au tennis de table, aux échecs en ligne, aux jeux vidéo, etc.

Son principe :

  • chaque joueur possède une cote (un nombre) qui représente son niveau supposé,
  • avant un match, le système calcule la probabilité de victoire de chacun,
  • si vous gagnez un match que vous êtes censé perdre, vous prenez beaucoup de points,
  • si vous perdez un match que vous êtes censé gagner facilement, vous perdez pas mal de points,
  • si le résultat est “logique”, les variations sont faibles.

Ce qui est important :

chaque match compte, et ce qui pèse vraiment, c’est le niveau de l’adversaire et la surprise ou non du résultat, plus que la catégorie du tournoi.

Appliqué au padel au sein des tournois FFT, un ELO voudrait dire :

  • battre un joueur classé très devant toi te ferait monter vite,
  • rouler sur des tableaux faibles ne rapporterait pas grand-chose,
  • perdre souvent contre plus fort que toi ne serait pas dramatique,
  • ta cote suivrait de près votre niveau réel du moment, même si vous ne faites “que” des P25/P100.
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3. Les limites du format actuel (12 meilleurs résultats)

Le système des 12 meilleurs résultats a ses qualités : il est assez simple à comprendre, s’intègre bien à la logique de tournois FFT, et évite qu’un seul mauvais tournoi “plombe” tout. Mais il a aussi de vrais effets pervers :

3.1. Prime au volume de jeu

Même si seuls les 12 meilleurs résultats sont comptés, jouer beaucoup multiplie les chances :

  • de tomber sur des tableaux plus faibles,
  • de profiter de tirages favorables,
  • d’aligner des quarts, demies, victoires en P250/P500 qui finissent par remplir votre “top 12”.

À l’inverse, un joueur fort qui ne peut jouer que 4 à 6 tournois dans l’année aura du mal à exister au classement face à un “gros grinder” qui en joue 20 ou plus.

3.2. Effet “chasse aux points”

Le système encourage parfois une forme de “chasse aux points” :

  • on va chercher des tournois là où la densité est plus faible,
  • on choisit des catégories en fonction des points potentiels plutôt qu’en fonction du niveau réel des adversaires,
  • deux joueurs de même niveau peuvent avoir des classements très différents selon leur calendrier.

3.3. Un classement peu prédictif

Pour les clubs, organisateurs, joueurs :

  • deux paires à classement proche peuvent avoir des niveaux de jeu très différents,
  • cela complique la constitution de tableaux homogènes et la lisibilité pour le public,
  • d’où paprfois ce sentiment de décalage entre “classement FFT” et “niveau perçu sur le terrain”.

4. Ce que pourrait apporter un ELO au padel

Passer en ELO (ou ajouter un ELO en parallèle) apporterait plusieurs bénéfices potentiels.

4.1. Récompenser la performance, pas seulement le volume

Avec un ELO :

  • un joueur qui fait quelques grosses perfs contre des mieux classés monte rapidement,
  • un joueur qui accumule les titres contre des adversaires faibles ne progresse que très peu,
  • le système valorise la qualité des victoires plus que la quantité de tournois.

4.2. Un niveau plus “réel” et plus fin

Le ELO est conçu pour être prédictif :

  • si deux joueurs ont le même rating, ils sont censés se partager les victoires à peu près 50/50,
  • si l’un a 80 ou 100 points de plus, il sera naturellement favori.

Pour le padel, cela donnerait :

  • une meilleure lecture du niveau des joueurs pour les clubs,
  • des tableaux mieux équilibrés,
  • plus de cohérence entre classement et niveau ressenti.

4.3. Une dynamique plus fluide

L’avantage d’un ELO moderne, c’est qu’il peut être :

  • mis à jour en continu ou sur des périodes (par exemple mensuelles),
  • pondéré pour que les matches récents comptent plus que les anciens,
  • adaptable aux doubles (on peut partir de la moyenne des deux classements, etc.).

C’est exactement ce que proposent déjà certains systèmes de cote type UTR, WTN, ou encore les modèles ELO utilisés par des stats sites sur le tennis comme Tennis Canada.

5. Et la FFT dans tout ça : a-t-elle déjà utilisé l’ELO ?

Sur le tennis, le classement FFT reste historiquement un système en pyramide par échelons, basé sur :

  • un barème de points par victoire selon le classement de l’adversaire,
  • un calcul sur les 12 derniers mois glissants, depuis la réforme d’octobre 2022 (tous les matches sont pris en compte, sans remise à zéro annuelle).

Ce système s’inspire de l’idée de valeur des oppositions (battre plus fort rapporte plus) mais ce n’est pas un ELO pur :

  • les points ne sont pas calculés via une probabilité de victoire comme dans ELO,
  • les montées / descentes se font par rapport à des barèmes fixes et des seuils de points.

La FFT a en revanche été impliquée, via l’ITF, dans le projet World Tennis Number (WTN), un classement mondial fondé sur un système de type Glicko-2 (Glicko-2 est une version moderne et plus précise du système ELO), lui-même dérivé d’ELO.

la FFT s’intéresse depuis longtemps aux systèmes de classement “par valeur relative” et s’est impliquée dans des projets type WTN, basés sur des modèles proches du ELO, mais sans jamais remplacer officiellement le classement français par un Elo intégral.

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6. Les points faibles d’un ELO appliqué tel quel au padel FFT

Un ELO ne réglerait pas tout. Il pose aussi des problèmes concrets :

6.1. Complexité pour le grand public

  • La logique “vous gagnez X points, vousperdez Y points selon une formule mathématique” est moins intuitive que “un P100 = 100 points au vainqueur, etc.”.
  • Il faut expliquer la notion de rating (c’est une note qui donne votre niveau et non un classement), de probabilité de victoire, etc.
  • Pour un joueur loisir, ça peut vite devenir opaque.

6.2. Intégration avec les tournois FFT

Tout le calendrier FFT (P25, P100, P250, P500, P1000, P2000…) repose aujourd’hui sur :

  • des dotations en points fixes par rang,
  • des seuils de classement pour l’accès à certains tableaux,
  • des règles d’assimilation (FIP, tennis, etc.) déjà très denses.

Basculer sur un ELO demanderait de revoir :

  • les règles de têtes de série,
  • les conditions d’accès à certaines catégories,
  • la cohérence avec les assimilations pros.

6.3. Propreté de la base de résultats

Un ELO exige :

  • que chaque match soit enregistré correctement,
  • qu’il n’y ait pas de matches “amicaux déguisés”,
  • des données propres au niveau national.

C’est jouable, mais ça demande une rigueur de saisie de tous les résultats et une architecture logicielle robuste.

7. Pistes réalistes pour le padel français

Plutôt qu’un grand soir du classement, plusieurs pistes “intermédiaires” sont possibles :

Option 1 – Garder le classement actuel + ajouter une cote ELO en parallèle

  • Le classement FFT padel resterait la référence pour : tableaux, têtes de série, palmarès.
  • Une cote ELO padel FFT serait affichée en plus, pour ceux qui veulent une mesure plus fine du niveau réel.
  • Les clubs pourraient l’utiliser pour organiser des matches mieux équilibrés, des ligues internes, etc.

Option 2 – Hybrider : 50 % points FFT, 50 % ELO

  • Le rang final serait une combinaison :
    • partie “points tournois” (12 meilleurs résultats),
    • partie “rating ELO”.
  • Cela limiterait la prime au volume tout en gardant la logique de tournois FFT.

Option 3 – Réformer le système des 12 meilleurs résultats sans aller jusqu’à ELO

Même sans ELO, on peut corriger certains biais :

  • plafonner le nombre de points pris sur une même catégorie,
  • pondérer les résultats selon la force moyenne des adversaires,
  • mieux intégrer les matches contre des joueurs assimilés FIP ou venant d’autres pays.

Conclusion : un ELO séduisant sur le papier, une réalité plus nuancée sur le terrain

L’idée d’un système ELO paraît, sur le papier, plus juste : chaque match compte, chaque victoire a une valeur réelle, chaque contre-performance pèse. Pourtant, appliqué au padel français, les choses sont plus complexes.

D’abord parce que, comme indiqué plus haut, la FFT a fait le choix d’un modèle simple, lisible et adapté au fonctionnement actuel : des catégories fixes, un barème clair, et quelques règles “garde-fous” pour éviter qu’un joueur ne grimpe trop vite en profitant de tableaux accessibles. Ce système n’est pas parfait, mais il reste cohérent dans l’ensemble : il récompense la régularité, valorise ceux qui jouent souvent et reflète globalement le niveau du joueur sur une saison.

On peut presque dire : tant mieux pour celui qui joue beaucoup. S’il obtient un classement légèrement au-dessus de son niveau réel, il ne vole rien. Il profite simplement du fonctionnement du système. En revanche, le “revers de la médaille” existe : avec un classement élevé mais un niveau inférieur, trouver un partenaire du même rang devient plus difficile. Et au padel, cela compte — un classement s’assume à deux.

Ce que l’on peut regretter, peut-être, c’est l’absence d’un minimum de “perfs” et de “contres” dans le calcul : un bonus léger en cas d’exploit, un ajustement symbolique en cas de contre. Rien qui ne bouleverserait l’architecture actuelle, mais suffisamment pour ajouter un peu de dynamisme et renforcer la logique sportive.

Malgré ces limites, le système FFT fonctionne. La preuve : l’explosion du nombre de licenciés, de tournois et de pratiquants montre qu’il reste lisible, opérationnel, et accepté par l’ensemble de l’écosystème. L’ELO reste une piste intéressante, mais pour l’instant, le classement actuel trouve son équilibre entre simplicité, accessibilité et cohérence sportive.

Le débat reste ouvert.

Franck Binisti

Franck Binisti découvre le padel au Club des Pyramides en 2009 en région parisienne. Depuis, le padel fait partie de sa vie. Vous le voyez souvent faire le tour de France en allant couvrir les grands événements de padel français.