Entretien Nicolas Pinard, Gérant du Factory Sport Games à Chazay
– Pouvez-vous vous présenter s’il-vous-plait ?
Nicolas Pinard : Oui, alors rapidement, à la base je suis professeur de sport, j’ai une maîtrise à l’URFSTAPS dans le football avec en complément un droit d’entrainer second degré. Ensuite, j’ai basculé 5ans dans la restauration. Et puis, désormais, je gère le complexe Factory sur la partie restauration et sur la partie sportive : des terrains de foot 5/5, squash, badminton et puis les deux terrains de padel intérieur plus les deux terrains de padel à venir.
– Quel est votre rôle au quotidien dans l’entreprise ?
NP : C’est un rôle multitâche : toutes les parties liées au restaurant et puis d’ un autre côté développer au mieux toutes les installions sportives mise en place. Tout ce qui est promotion, événementiel et activité… C’est difficile à cumuler mais on essaye de faire des choses innovantes pour les fidéliser surtout.
– Quand avez-vous découvert le Padel ? Votre premier pas ?
NP : Je crois que j’ai découvert le padel il y a 3-4 ans quand ça a ouvert à Padel Central à Dardilly (désormais fermé) puisque les personnes qui ont ouvertes le complexe sont des très bons amis de mon meilleur ami qui, lui, a fait leur communication et du coup je suis allé voir là-bas ce que c’était. Etant donné que j’avais fait pas mal de tennis plus jeune, j’ai tout de suite accroché le padel. Et c’est vrai qu’on essaye de mettre en avant un maximum ce sport.
– Peut-on avoir une idée du complexe avec quelques chiffres ? Superficie globale ? Celle du padel ?
NP : Alors, le complexe fait 5500 mètres², il y a 4 terrains de football, 2 terrains de padel, 3 terrains de badminton et un terrain de squash et à venir il y aura un terrain de football extérieur et 2 terrains de padel extérieur et c’est vrai… une salle de fitness/ musculation ouverte bientôt avec la terrasse et le restaurant intérieur.
En termes de chiffre d’affaires, sur cette année, on ne va pas être loin des 450 000 euros HT.
– Sur combien d’années à peu près le projet est rentable ?
NP : Les deux premières années, le complexe n’était pas rentable, c’est au bout de la 3 ème année que le projet est rentable. Cette année, on va être dans les clous.
– Pourquoi avoir installé des terrains de padel dans votre complexe ?
NP : On a installé des terrains de padel dans le fait, que c’était en développement et que c’était une pratique nouvelle et que Jérome (l’actionnaire) avait envie d’avoir des choses nouvelles. Il s’est mis dans le sillage de ce qu’il se faisait avec l’envie et la certitude que ça allait se développer.
– Quels sont les liens avec un sport comme le futsal par exemple ?
NP : Déjà, il y a beaucoup de personnes qui font les deux. Après, aujourd’hui, dans le développement du padel en général, il faut prendre les deux sports c’est-à-dire, que pour moi, dès qu’on ouvre un complexe, il faut que les structures soient multi-activités et permettent de proposer plusieurs sports différents. Donc, il faut se diversifier pour vivre et surtout survivre.
– Quels sont vos principaux concurrents ? Club de tennis ? Esprit Padel ? Urban soccer ?
NP : Aujourd’hui, à partir du moment où Padel Central (Limonest-Dardilly) n’est plus là, il n’y a plus de concurrents direct. Saint-Priest, Esprit Padel, n’est pas un concurrent pour nous, c’est trop loin. Il y a peut-être le TCM5 un petit peu et éventuellement Champagne quand ils vont faire les cours. Il y a une clientèle qui est là et qui est fidèle.
– Quelle est votre relation avec la marque padel partenaire de votre club privé ? Travaillez-vous sur différents projets ?
NP : On est avec Head et Nox. Head car c’est vrai qu’il y a souvent Johann Bergeron qui vient ici (Numéro un du padel Français), c’était plus facile pour nous. Mais, on n’est pas du tout fermé, on va faire rentrer de la Nox et peut être d’autres marques. On n’est pas fermé à vendre et faire d’autres produits aux clients.
NP : Au niveau de projet, on ne travaille pas trop sincèrement avec Head car on est limité avec la hauteur du plafond. On ne peut pas accueillir de tournois homologués. Ca limite pas mal la partie compétition mais pas la partie plaisir. C’est pour ça qu’on construit deux terrains de padel supplémentaire à l’extérieur. Avec ces terrains, on pourra faire des tournois extérieurs et homologués. Cela pourra vraiment être intéressant car il y a une vraie demande par rapport à ça.
– Avez-vous des contacts avec la FFT pour essayer de développer le sport au mieux ?
NP : Pas du tout. Pas du tout.
– Pensez-vous qu’ils mettent tous les moyens nécessaires pour faire évoluer ce nouveau sport de raquettes ?
NP : Non, je ne pense pas. Je pense qu’ils l’ont récupéré pour voir gratter ce qu’il y avait à gratter pour ne pas essayer de perdre du monde. Ils n’ont pas eu énormément de volonté. C’est exactement comme la fédé de football qui a récupéré le futsal, il n’y a aucune volonté de développer le futsal. C’est juste récupérer ce qui est récupérable. Récupérer les licences et qu’elles ne s’envolent pas ailleurs.
– Est-ce que c’est possible à moyen terme d’avoir une notoriété aussi importante qu’en Espagne ? En termes de courts, de pratiquants et même de licenciés ?
NP : Non, je ne pense pas non. Ou alors, il faudra attendre longtemps car aujourd’hui les mentalités ne sont pas du tout comme ça en France. Aujourd’hui, en France, on est habitué à prendre une licence à l’année et avoir un accès libre au terrain. Aujourd’hui, juste payer sa licence, ce n’est pas encore dans les mœurs.
-En Espagne on voit qu’il y carrément plus de licenciés padel que de licenciés tennis, plus de pratiquants padel que de pratiquants tennis. Est-ce que ça serait possible en France ou est-ce que le tennis est quand même trop encré ?
NP : Non, je ne pense pas du fait de la culture, du fait du coût des structures pour pouvoir survivre. Limonest (Padel Central), ils ont déposé le bilan, le futsal d’Ans ça a déposé le bilan aussi…La réalité économique est là aussi… J’espère qu’Esprit Padel tiendra longtemps mais je ne sais pas si leur démarche est aussi bon de ce qu’ils espéraient…Ce n’est pas évident de survivre que dans le padel, en tout cas, pour ma part, je n’y crois pas trop. Contrairement à l’Espagne, où culturellement le padel a été très vite ancré.
– Est-ce que vous connaissez les facteurs clés de la démocratisation du padel en Espagne ou en Amérique du Sud ? Peuvent-ils être similaires à la France ?
NP : Non, je ne sais pas. Je ne me suis pas inspiré. Après, je pense vraiment que si ça perdure en France et qu’on met un peu avant, il y aura beaucoup de joueur de padel car c’est un sport ludique et vraiment attrayant. Mais malheureusement, aujourd’hui, le sport est encore trop méconnu. Les gens ne connaissent pas forcément. Nous avons encore aujourd’hui des clients qui ne connaissent pas le padel. Ils n’ont jamais entendu parler du padel.
Et puis en termes de formation ce n’est pas développé non plus. En plus, une des vraies contraintes de ce sport, c’est qu’il faut trouver 4 joueurs de padel et c’est une des bases du problème car c’est compliqué. Quand vous jouez au tennis, la plupart du temps il vous faut juste un adversaire.
-Est-ce que vous êtes satisfait de votre taux de remplissage pour le padel ? Comment gérer vous les fameuses heures creuses ? Comment essayez-vous de remplir ces heures ?
NP : Pour les heures pleines, nous sommes très satisfaits des heures. Pour les heures creuses, c’est vrai que la problématique est amplifiée car elle n’est bien pas très située, on est dans une zone de chalandise où il n’y a pas beaucoup d’entreprises donc forcément on ne récupère que très peu de monde le midi.
On essaye de remplir ces heures creuses par de stages, des clubs de tennis qui viennent, il y a des gens qui viennent jouer à ces heure-là après le développement de ces créneaux est un réel objectif. Pour l’instant, on n’est pas peut être pas assez actif sur le sujet.
– Pouvez-vous accueillir des tournois homologués par la FFT ? Pourquoi ?
NP : Non, malheureusement. Ce n’est pas à cause du nombre de terrains mais de la hauteur de toit. Il nous manque malheureusement 80/90 centimètres pour accueillir des tournois.
– Avec la venue de 2 autres courts, qu’est-ce que vous allez proposer désormais ?
NP : Bah on va essayer de proposer plus d’animations, ça vaut le coup aussi d’essayer de donner des cours de padel, de trouver un prof et de lancer ces cours oui.
– En terme de formation, est- ce que vous allez essayer de prendre un prof ? Car on sait qu’en France c’est très limité…
NP : Pour l’instant, ce n’est pas dans les objectifs. Moi je serais bien partant pour me former et au minimum faire de l’initiation. Après sur la partie compétition, on verra si on trouve du monde.
-La professionnalisation du padel peut-il être un levier pour le développement des clubs de tennis ?
NP : Je pense qu’en tout cas que tous les clubs de tennis qui seraient en difficulté, feraient une grave erreur de ne pas installer des courts de padel dans leur club. S’ils veulent survivre, ils sont obligés d’y aller. Après comme le futsal avec le football, les gens reviendront au tennis si vraiment ils sont fans de tennis mais il faut pas passé à côté du mouvement car c’est une entrée financière en plus.
-Est-ce que vous pensez que la Fédération de Padel prendra son indépendance dans les prochaines années ?
NP : Je ne sais pas, s’ils sont avec c’est qu’ils n’ont pas les moyens de faire différemment. Il n’y a pas d’obligation de la FFT mais c’est vrai qu’ils ont récupéré le padel pour ne pas perdre de licenciés et pour avoir un impact dessus et récupérer leurs parties.
– Quel est votre regard sur l’évolution du padel depuis 5 ans ?
NP : On voit bien que ça prend mais c’est quelque chose de lent. Le constat est qu’on est loin de l’Espagne. Ce qui est inquiétant, dans notre zone, c’est qu’on voit plus de complexe de padel fermé que se maintenir ou d’ouvrir.
Antoine Sarroste a étudié le padel. Il nous offre son expertise autour du développement du padel en France.