L’idée qu’être sportif de haut niveau est une vie paradisiaque, associant un métier-passion, des séjours dans des destinations de rêve , des hôtels luxueux, de l’argent facile et du personnel aux petits soins est un cliché qui a vécu.
Les témoignages de sportifs ne manquent pas pour décrire le rythme infernal auquel sont soumis les athlètes, l’enchaînement sans repos des compétitions, le risque de blessure ou la pression du résultat constante. C’est particulièrement vrai depuis 2022 dans le domaine du padel, notamment sur le circuit masculin depuis que la guerre entre le World Padel Tour et Premier Padel a blindé le calendrier de quelque 34 compétitions qui s’enchaînent à un rythme démoniaque.
Pire, en 2023, le WPT compte organiser pas moins de 27 épreuves – en théorie obligatoires pour les joueurs sous contrat. A ces 27 semaines, devraient s’en ajouter dix autres pour les tournois de catégorie 1 de Premier Padel ; et le circuit de la FIP a prévu de monter en puissance, avec quelque 25 épreuves en 2024.
Si l’on compte les championnats du monde et autres championnats nationaux, il y a de quoi faire déborder la coupe et mettre n’importe quel joueur sur les rotules.
Sanyo : “Nous souffrons trop”
“On met en péril notre carrière sportive”, prévenait en novembre Sanyo Gutiérrez , dans une interview exclusive qu’il avait accordée à Padel Magazine. “Nous souffrons trop, et si cela se poursuit ainsi, les carrières seront plus courtes, ou même des blessures graves pourraient arriver”, mettait en garde l’Argentin de 38 ans.
Même des joueurs beaucoup plus jeunes ont tiré le signal d’alarme en 2022. En juillet dernier, Martin Di Nenno nous parlait de sa fatigue mentale : “Ça devient difficile, surtout quand on perd beaucoup de quarts de finale. Parfois le lundi, je n’ai pas forcément envie de voir Paco, et lui non plus, mais nous devons quand même nous entraîner. Il y a des paires qui supportent mieux le rythme élevé des tournois, et nous moins bien. Nous sommes très sensibles et transparents, et il y a des jours où nous ne voulons pas être ensemble.”
Une lassitude que l’Argentin de 25 ans confirmait à nos confrères de Olé au moment de se séparer de Paquito Navarro, en octobre : “Je sentais que Paco n’avait pas la même énergie que par moments et j’espère que le fait de changer de partenaire lui redonnera cet élan de motivation”.
On pourrait encore citer Alvaro Cepero, qui racontait récemment comment il a dû enchaîner sans répit un tournoi au Mexique puis un autre en Egypte, avec huit heures d’avion et six heures de voiture entre les deux.
Tennis et épuisement mental
Mais les joueurs de padel n’ont pas l’exclusivité en matière d’épuisement physique et de surchauffe mentale. Notre Benoît Paire national est l’illustration vivante du ras-le-bol qui guette les joueurs de tennis. Ses pétages de plomb ont beau amuser les réseaux sociaux, ils sont avant tout le signe, plutôt inquiétant, d’une dépression qui rôde et sa manière à lui de la conjurer.
L’Australien Nick Kyrgios est un autre exemple de joueur incroyablement talentueux, dont les nerfs à vif et le mental friable freinent la carrière, lui valant des amendes régulières et même une condamnation à suivre des soins psychologiques.
Chez les dames, la Japonaise Naomi Osaka avait brisé en 2021 le tabou de la santé mentale. L’ex-n°1 mondiale, qui a remporté quatre titres du Grand Chelem, a dégringolé à la 42e place en 2022, avant de tomber enceinte et de faire une croix sur le tennis en 2023. Une autre n°1 épuisée mentalement, l’Australienne Ashleigh Barty, a mis fin prématurément à sa carrière en mars dernier, à seulement 25 ans.
“Le sport, un défi cognitif”
C’est en Australie justement que la recherche est en pointe sur la question de la fatigue mentale, rapporte un article du Canberra Weekly. Le Dr Suzy Russell, chercheuse à l’Université catholique australienne à Brisbane (ACU), étudie la fatigue mentale et la récupération mentale dans le sport de haut niveau. A ses yeux, “le sport est par nature un défi cognitif. Les engagements médiatiques, les engagements professionnels, les tâches répétitives, la sur-analyse, les négociations contractuelles, l’impact des voyages et les environnements non familiers ont été identifiés comme des causes de fatigue mentale.”
Une des conséquences mises en évidence pour les joueurs de tennis, mais aussi ceux de padel ou de tennis de table est une diminution de la vitesse de balle et des temps de réaction rallongés, en lien avec des changements dans l’activité cérébrale.
Pour remédier à cela, les travaux du Dr Russell visent à mettre au point diverses méthodes d’entraînement pour développer une tolérance et une résistance accrues à la fatigue mentale. Après le coach, les préparateurs physique et mental, les numéros 1 de demain devront avoir recours aux neurosciences ?
Après 40 ans de tennis, Jérôme tombe dans la marmite du padel en 2018. Depuis, il y pense tous les matins en se rasant… mais ne se rase jamais pala en main ! Journaliste en Alsace, il n’a d’autre ambition que de partager sa passion avec vous, que vous parliez français, italien, espagnol ou anglais.