Aujourd’hui Padel Magazine rencontre Christian Tarruella, Directeur Technique de la Fédération Russe de Padel.
Cet Espagnol, actuellement basé à Mourmansk, ville située au nord du pays, à quelques kilomètres de la Finlande, est venu principalement pour faire connaître et de développer le padel sur le territoire russe.
A notre micro, il revient sur sa vie en Russie depuis 2014 mais aussi sur le développement du padel dans le pays ainsi que sur le sujet qui occupe notre quotidien depuis quelques semaines : le conflit en Ukraine et ses conséquences.
“Nous partions de rien, personne ne voulait investir dans le padel”
“Ici personne ne connaissait le padel, seulement quelques touristes qui se rendaient en Espagne pendant leurs vacances d’été.
Avec un ami nous avons donc construit les deux premières pistes de padel en Russie et ouvert le premier club au Sud de Moscou. Je suis donc resté 6 ans dans la banlieue moscovite“.
P.M : Depuis que tu es installé en Russie, as tu constaté un réel développement du padel ?
C.T: “Oui en effet, il faut dire que nous partions de rien car ici personne ne voulait rien faire pour le padel. Ce sport était méconnu est personne ne voulait parier sur lui. Les quatre premières années furent très difficiles.
Ensuite une piste de padel a été construite dans un des gymnases les plus grands et connus de Mourmansk.
C’était un lieu de passage pour beaucoup de sportifs et de là a débuté l’intérêt des Russes pour le padel.
Quelques temps plus tard une nouvelle piste a été installée à Saint Pétersbourg dans un club de hockey sur glace. Cependant vu que c’était un club dit de “luxe”, très peu de clients venaient jouer et cela a freiné la croissance de notre sport dans la région.
Et c’est à Moscou même que plusieurs mois plus tard deux nouvelles pistes ont vu le jour. Lentement mais sûrement le padel a commencé à faire parler de lui et petit à petit d’autres terrains se sont vus construire.
Aujourd’hui dans la capitale russe nous pouvons retrouver au moins 4 endroits différents pour jouer au padel.
Malheureusement il n’y a toujours pas beaucoup de clubs mais cela commence à évoluer favorablement.
Nous n’avons pas eu de chance car au moment où le boom du padel arrivait dans le pays, nous avons été frappés par la pandémie du COVID-19. Et maintenant que nous sortons de ce virus, arrive le conflit entre la Russie et l’Ukraine qui continuera à bloquer ce développement.
Aujourd’hui nous constatons tout de même que de nouveaux terrains ont été installés dans d’autres provinces russes donnant naissance à de vrais club, comme par exemple dans la ville de Krasnodar, dans le sud du pays.
Nous avons actuellement une Fédération de padel basée à Mourmansk mais qui sera prochainement déménagée dans la capitale“.
De plus en plus de succès pour le padel
P.M : Tu es Directeur Sportif au sein de la Fédération Russe de Padel mais tu donnes aussi des cours si je ne me trompe pas ?
C.T :” Oui c’est exact. J’enseigne et donne des cours chaque jour aux aficionados locaux.
Ici à Mourmansk, le padel connait de plus en plus de succès et malheureusement nous ne possédons qu’une seule piste pour accueillir les pratiquants. Nous devons attendre encore quelques mois pour en avoir une deuxième mais nous notons une réelle demande car ce terrain est toujours occupé de 7h à minuit et nous ne pouvons satisfaire toutes les nouvelles demandes“.
“La situation que nous connaissons actuellement est très grave”
“Bien que les gens ici semblent plutôt tranquilles, nous craignons ce qu’il peut se passer ces prochains mois et nous demandons combien de temps cette situation va continuer (Guerre en Ukraine).
Moralement c’est un coup dur car beaucoup de Russes ont de la famille en Ukraine. Et une chose est certaine c’est que économiquement nous allons aussi connaitre des périodes difficiles. Cela affecte dores-et-déjà l’économie du pays.
P.M : Quelles sont les conséquences de ce conflit sur le padel en Russie et sur les joueurs ?
C.T : ” La première c’est que nous avions 4 tournois de la FIP programmés dans lesquels des joueurs nationaux devaient participer, mais ça été annulé. Cela aurait permis aux joueurs russes de se faire connaitre auprès des autres participants et de jauger un peu leur niveau.
Cette décision a été vécue comme un coup de massue pour les joueurs.
D’autre part les compétiteurs russes se réjouissaient de participer à des tournois au delà de leurs frontières et avaient déjà commencé à s’inscrire aux différentes compétitions. Autre sujet qui nous a affecté c’est le championnat mondial. Je pense que nous ne serons pas autorisés à le disputer“.
Je pense que c’est une erreur que de sanctionner les citoyens russes car ce ne sont pas eux qui choisissent et qui prennent ces décisions. Ici personne n’est pour la guerre.
C’est une décision lourde pour les sportifs qui s’entrainent toute l’année pour les compétitions et qui se voient interdits de les disputer. La totalité d’entre eux ne veulent pas de cette guerre et je trouve cela injuste qu’on les sanctionne“.
“Nous voulons organiser plus de tournois, former davantage de moniteurs et faire connaitre le padel aux écoliers”
P.M: Bien que ce soit un moment compliqué pour évoquer ce sujet, peux tu tout de même me dire ce que tu as prévu pour développer le padel en Russie ces prochaines années ?
C.T : “Le premier problème que nous allons connaitre ces prochains mois c’est le coût de la matière première qui va augmenter considérablement. Nous ne savons déjà pas comment évoluera le sujet des importations.
Je pense que ces deux points vont déjà nous mettre des bâtons dans les roues pour développer le padel dans le pays.
Certains investisseurs pourraient bénéficier d’une aide pour créer des clubs mais actuellement nous ne savons pas si leurs économies leur permettront de mener à bien leurs projets. Nous allons tenter d’organiser plus de tournois internationaux mais aussi de former de plus en plus de moniteurs de padel avec notre école au sein de la Fédération et enfin de faire connaitre ce sport dans les écoles.
Nous ne pourrons peut-être pas fabriquer des pistes dans les structures scolaires mais organiser des ateliers ne serait ce qu’avec la pala et un filet au début afin de toucher le plus de personnes possible“.
P.M : Organiser une compétition amicale et réunir plusieurs clubs venant de l’étranger mais aussi une équipe russe et une équipe ukrainienne pour véhiculer une image de paix, serait-ce une bonne idée selon toi ?
C.T : ” Avant le début de ces évènements nous voulions déjà organiser des compétitions amateurs en formant une équipe et en allant jouer dans un club “ami” à l’étranger comme par exemple en Italie. Pour le moment cela me paraît tout de même très compliqué.
Maintenant oui si une organisation internationale venait à organiser un tournoi avec plusieurs pays et que la Russie et l’Ukraine y participaient, ce serait une bonne chose évidemment. Certes logistiquement parlant pour des sujets comme les visas cela ne serait pas facile mais les joueurs seraient ravis d’y participer.
“Rendre le padel amusant “
C.T: “Je suis bon entraineur mais un mauvais joueur. (rires)
Ici tout le monde veut jouer avec moi car dans la piste je m’amuse énormément et je fais rire mes partenaires de jeu. C’est très important pour moi de montrer aux Russes que le padel est un sport fun. C’est un de mes objectifs.
Quand on joue avec moi il y a toujours de la bonne humeur mais celui qui est à mes côtés finit toujours par perdre “(Rires).
“Nous comptons 500 joueurs réguliers en Russie”
C.T : “En Russie nous avons seulement 4 clubs qui sont uniquement dédiés au padel. Il faut y ajouter une dizaine de clubs dédiés à un autre sport mais qui possèdent au moins une piste.
Nous estimons à 500 le nombre de joueurs réguliers c’est-à-dire qu’ils jouent au moins deux à trois fois par semaine et 3 000 ceux qui empoignent leur pala une fois par mois. C’est encore très peu“.
En conclusion de cette interview Christian Tarruella a tenu à exprimer un dernier message concernant les sanctions auxquelles doivent faire face les sportifs russes suite à l’invasion de l’Ukraine par leur armée :
“Je pense que c’est une mauvaise idée de sanctionner les sportifs russes en les privant de compétitions internationales. Ils ont une ouverture d’esprit bien plus grande que certains. Je souhaite du fond du cœur que tout cela prenne fin au plus vite et que les dommages soient les moins importants possibles. Et du côté du padel que nous puissions voyager à nouveau pour disputer des compétitions à l’étranger.
J’aimerais inviter aussi les résidents étrangers à venir visiter la Russie, il y a des endroits magnifiques dans ce pays et surtout à rencontrer le peuple russe qui malgré l’image qu’il dégage, est bien plus chaleureux que ce que l’on peut penser.”
Vous pouvez retrouver ci-dessous l’intégralité de cet interview en espagnol.
Futur naturopathe et passionné de padel, Seb est le monsieur santé / alimentation de Padel Magazine. Il jongle entre pala, quinoa et huiles essentielles. Depuis bientôt deux ans maintenant il traite l’actualité de la petite balle jaune avec toujours la même passion.