Il s’installe discrètement dans les clubs, dans les conversations de vestiaire et dans les tableaux de tournois : le fossé grandissant entre le classement FFT et le niveau réel des joueurs.
Un phénomène encore peu étudié mais qui devient central dans les compétitions françaises, du P100 au P2000.

Alors que le padel se structure, une question revient avec insistance : le classement reflète-t-il encore la réalité du terrain ?

Un classement conçu pour un sport en croissance… mais dépassé par sa propre dynamique

Au départ, le système FFT avait été pensé pour un volume de joueurs et de tournois bien plus limité.
Sauf qu’entre 2021 et 2025, le nombre de compétiteurs a explosé. La Fédération recense désormais plus de 100.000 joueurs ayant disputé au moins un tournoi sur les douze derniers mois.

Face à ce boom, certains décalages apparaissent :

  • des joueurs très actifs engrangent des points sans toujours affronter un niveau homogène
  • d’autres, plus forts mais moins disponibles, stagnent artificiellement
  • des joueurs issus du tennis arrivent avec un niveau naturel très élevé
  • des joueurs habitués au circuit FIP reviennent avec des qualités supérieures à leur classement français

Ce déséquilibre crée un “effet miroir” : un classement parfois flatteur, qui ne raconte pas forcément le niveau réel.

La mécanique du classement favorise-t-elle les joueurs très actifs ?

C’est un constat très répandu dans les clubs.
Un joueur qui enchaîne trois ou quatre tournois par mois progresse mécaniquement. Même sans victoires majeures, l’accumulation de points lui permet de grimper rapidement.

À l’inverse, un joueur solide mais qui ne joue que ponctuellement reste longtemps bloqué.
Le système récompense donc davantage la quantité que la densité d’adversité rencontrée.

Le padel, sport en pleine structuration, met en lumière les limites d’un modèle purement quantitatif.

Conséquence : des tableaux de tournois de plus en plus déséquilibrés

Ce phénomène est très visible en P250 et P500.
On observe régulièrement :

  • des paires très sous-classées qui survolent les premiers tours
  • des joueurs issus du tennis capables de dominer très vite
  • des joueurs du circuit international, peu présents en France, mais bien supérieurs à leur classement FFT
  • des écarts importants entre régions : PACA, IDF, Occitanie vs zones moins denses

Ces déséquilibres nourrissent un sentiment d’injustice chez les joueurs et une difficulté d’organisation pour les JA.

La FFT en est consciente : le règlement évolue et s’adapte

Contrairement à ce que certains pensent, la FFT a bien identifié ce phénomène et propose déjà plusieurs barrières pour réduire l’impact des “faux niveaux”.

1. Les équivalences tennis → padel

Pour éviter qu’un bon joueur de tennis débarque en P250 et fasse “des corrections” à tout le monde, la FFT a mis en place des équivalences de niveau.
Un ancien 2/6, 0 ou -2/6 n’arrive jamais totalement “vierge” au classement padel.

2. Le classement bloqué pour les anciens bons joueurs de padel

Les joueurs qui ont déjà été bien classés et reviennent après une longue pause peuvent être bloqués pour ne pas repartir tout en bas, ce qui éviterait de fausser les tableaux.

3. La prise en compte des joueurs internationaux

Les joueurs engagés sur le circuit FIP ou Premier Padel, même s’ils jouent peu en France, bénéficient également d’une équivalence ou d’un classement adapté.
Cela permet d’éviter qu’un joueur ayant un niveau mondial réel se retrouve en P250 à affronter des amateurs.

Ces ajustements montrent que la FFT s’adapte, consciente que le padel évolue vite et que le volume massif de compétiteurs oblige à une révision régulière des règles.

Pourquoi le sentiment de “faux niveaux” persiste malgré tout

Plusieurs facteurs continuent d’alimenter cette impression :

  1. L’arrivée massive des tennismen
    Leur technique de base accélère fortement leur progression sportive — plus vite que leur progression au classement.
  2. La densité très variable d’une région à l’autre
    Un quart de finale gagné en région peu dense vaut autant qu’en région ultra chargée.
  3. Le poids des petits tournois cumulés
    Faire beaucoup de P100/P250 monte vite, même sans battre de très bons joueurs.
  4. La lecture du jeu spécifique au padel
    Un classement peut ne pas refléter la maturité tactique d’un joueur.

Quelles pistes pour renforcer encore la lisibilité du classement ?

Plusieurs idées circulent :

1. Un système d’Elo spécifique au padel

Plus réactif et plus représentatif du niveau réel des joueurs affrontés.

Le système Elo est un modèle de classement utilisé depuis longtemps dans les échecs, puis adopté par de nombreux sports (tennis de table, badminton, esports…).
Son principe est simple : on ne gagne pas des points fixes, on gagne (ou perd) des points en fonction du niveau de l’adversaire affronté.

En padel, cela donnerait un classement beaucoup plus représentatif du niveau réel, car il ne dépendrait plus du nombre de tournois joués, mais de la qualité des joueurs battus.

2. Une pondération selon la densité du tableau

Plus le tournoi est relevé, plus les points seraient valorisés. (ce qui existe déjà, tout du moins partiellement)

3. Une limitation des “petits points” cumulés

Pour éviter qu’un joueur moyen, mais très présent grimpe trop vite, la FFT limite cela par le nombre de tournois pris en compte. (12 tournois pris en compte)

4. Des paliers de niveau plus précis

À la manière du tennis, afin d’éviter les écarts trop brutaux.

Team Padel Mag

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