L’article que vous allez lire est écrit en toute subjectivité, loin de la supposée objectivité journalistique qui est bien souvent un mythe. Pourquoi cette subjectivité ? Parce que “je” l’écris moins en tant que journaliste qu’en tant qu’accompagnateur et “coach” de l’équipe de France de padel-fauteuil, qui vient de ramener la médaille de bronze des premiers Mondiaux de Madrid. En effet, les joueurs français m’avaient proposé de faire partie de cette aventure inédite, ce que j’ai accepté avec fierté et joie.
Lors de notre petite finale pour la 3e place, face à l’Argentine, nous avons proposé à nos adversaires de jouer “cartes sur table”, sans stratégie pour tromper l’adversaire : la meilleure équipe française contre la meilleure équipe argentine, la paire n°2 contre la n°2, la 3 contre la 3. Le coach et le capitaine argentins ont accepté que le sport prime sur la combine, afin que la meilleure équipe gagne, sans “trucage” !
Et au terme d’une belle rencontre, pleine de suspense, ce sont les joueurs français qui l’ont emporté. Ils ont retourné parfois des situations délicates, voire désespérées. A Madrid, Dorian Navarro, Nicolas Vanlergberghe, Sébastien Husser, Tony Boval, Jean-Marc Keghlian et Serge Garnier ont été admirables de combativité et de solidarité sur la piste comme en dehors. Cette équipe de France peut être fière d’avoir représenté son pays avec six autres nations (Espagne, Argentine, Chili, Costa Rica, Pays-Bas et Maroc) lors de ces championnats inédits.
Des Mondiaux encore officieux
Les esprits chagrins feront remarquer que ces Mondiaux de padel-fauteuil ne sont (encore) qu’officieux, car ils n’ont pas été orchestrés par la Fédération internationale de padel. Cette dernière a soutenu ces Mondiaux, mais ne pouvait pas les organiser, car les fédérations nationales qu’elle regroupe ne reconnaissent pas encore le padel-fauteuil, dans leur immense majorité. C’est le cas en Espagne, mais pas dans les autres pays présents à Madrid ; au Costa Rica, par exemple, il n’y a même pas encore de fédération de padel.
L’organisation et les frais de ces premiers Mondiaux de padel-fauteuil à Madrid ont été principalement assumés par la Fédération sportive espagnole pour les personnes porteuses d’un handicap et la Fédération madrilène de sports pour les personnes handicapées, avec le soutien de la Fédération espagnole de padel.
Des athlètes de haut niveau
Cette compétition a logiquement couronné l’Espagne, dont les joueurs en fauteuil sont de véritables athlètes de haut niveau, comme on peut le voir dans la retransmission en vidéo de leur finale face au Chili, suivie de la remise des prix.
Mais pour cette première, sept nations seulement étaient présentes à Madrid. Il y a plusieurs raisons à cela. L’une d’elle est la difficulté pour beaucoup de pays à réunir six joueurs ou joueuses en fauteuil (car ces championnats étaient mixtes). L’Italie et le Portugal ont par exemple renoncé à aligner des sélections, faute de “combattants” en nombre suffisant ou de budget alloué par leurs fédérations. Les Pays-Bas, présents à Madrid, ont complété leur équipe avec un voisin belge, Stan Devriese.
La France, elle, a un réservoir de joueurs en fauteuil plus important : 80 d’entre eux participent régulièrement au circuit national de tournois orchestré par les joueurs eux-mêmes. Quant au classement des joueurs en fauteuil, il est calculé chaque mois, selon le barème FFT, par celui qui était capitaine de l’équipe de France à Madrid : Sébastien Husser.
Jusqu’à 1500 euros de frais par participant
Un autre frein pour les joueurs en fauteuil est d’ordre financier : si trois nuits d’hôtel à Madrid et la nourriture ont été prises en charge par le pays qui invitait, les frais de déplacement et autres frais de logement éventuels étaient entièrement à la charge des joueurs et accompagnateurs bénévoles. Ainsi pour les joueurs venus d’Amérique du Sud ou Centrale, le ticket d’entrée à ces championnats a coûté en moyenne 1500 euros ! Pour les joueurs européens (hors Espagne), la facture est plutôt de l’ordre de 500 euros.
Dans le meilleur des cas, ils ont pu bénéficier de sponsorings privés, mais essentiellement pour financer l’achat de tenues aux couleurs de leurs pays.
C’est ce qu’ont fait les joueurs français, venus sur place avec trois tee-shirts bleus ou tricolores issus de la générosité privée. Hélas, leurs demandes visant à obtenir un petit coup de pouce financier de la part de la Fédération française de tennis n’ont reçu aucune suite, pas même une réponse ! Cela ne les a pas empêchés de rapporter du bronze de Madrid et de faire rayonner le padel français à l’étranger.
En revanche, les meilleurs joueurs français valides ont été présents et solidaires : juste avant les Mondiaux, ils avaient enregistré, à l’initiative de Mélissa Martin, des messages de soutien en vidéo à la team France. Quand les dirigeants sont aux abonnés absents, il reste toujours les joueurs et les vrais passionnés de sport.
“Axel Foley” a joué pour le Maroc
L’anecdote qui suit vise à faire sourire, mais illustre surtout la passion qui anime les joueurs ayant participé à ces premiers Mondiaux. Bouclée au dernier moment, l’équipe du Maroc a fait appel in extremis à un Marocain de France : le sympathique Ahmed Jeddi, qui habite la région de Nice. Pressé de prendre son billet d’avion, ce bon joueur en a oublié de désactiver la saisie automatique de ses coordonnées.. Dans son cas, c’est… un pseudo qu’il utilise parfois qui s’est inscrit sur son billet d’avion : “Axel Foley”, le nom du personnage d’Eddie Murphy dans Le Flic de Beverly Hills.
Hélas, c’est seulement à l’aéroport qu’Ahmed Jeddi a réalisé son erreur en se voyant refuser l’embarquement, malgré ses tentatives de négociation. Après avoir payé son premier billet 450 €, il a dû en prendre un autre à 700 € ! Une pilule dure à avaler quand on ne touche pas le cachet d’Axel Foley. Mais pour rien au monde Ahmed n’aurait voulu rater cet événement !
Lire ICI nos comptes-rendus des Mondiaux de Madrid
Après 40 ans de tennis, Jérôme tombe dans la marmite du padel en 2018. Depuis, il y pense tous les matins en se rasant… mais ne se rase jamais pala en main ! Journaliste en Alsace, il n’a d’autre ambition que de partager sa passion avec vous, que vous parliez français, italien, espagnol ou anglais.