Lucile Pothier, la “MVP de l’équipe française” lors des Jeux Européens, répond aux questions de Franck Binisti. Elle revient sur les moments forts de la compétition, mais aussi sur ses doutes, ses déceptions.
Revenir sans médaille, c’est une déception
Franck Binisti : Lors des Jeux Européens, tu as, avec Thomas Leygue, obtenu la 4e place avec la France.
Lucile Pothier : C’était une longue semaine pleine de frustration. J’ai tellement cru à cette médaille que cela a été difficile de repartir sans. Mais, après discussion avec Robin, Pablo et ceux qui me suivent, j’ai pu voir le positif. Ils m’ont fait remarquer le parcours incroyable que j’ai fait, et le fait que je m’entraîne deux fois par semaine seulement alors que je joue contre des personnes qui s’entraînent tous les jours. C’est vrai, c’était une superbe semaine, mais nous aurions aimé ramener la médaille, donc il y a toujours une petite déception. Cependant, je retiens surtout le positif et cette magnifique expérience.
J’ai douté, mais on m’a fait réaliser mes bons matchs
FB: Tu t’es remise en question après la finale, te demandant si tu avais bien joué ou pas, mais on t’a dit que tu as été la “MVP du match”, voire de la semaine. Qu’est-ce que cela signifie pour toi ?
LP: Ceux qui me connaissent diront que je suis effectivement très exigeante et perfectionniste. Je retiens souvent deux ou trois erreurs plutôt que l’ensemble, mais Robin m’a beaucoup aidée à prendre du recul et à réaliser que j’avais fait un bon match. Ces derniers mois, j’ai pris de plus en plus de confiance, et j’ai commencé à construire le point et à laisser Jess finir, elle qui excelle dans ce domaine. J’ai bien progressé, et cela s’est ressenti sur les matchs. Malgré le manque d’habitude de jouer 5 jours d’affilée, j’ai pris confiance au fur et à mesure de la semaine et j’ai eu la chance d’avoir Jess et Thomas à mes côtés.
FB: Peux-tu nous parler de ton évolution sur la piste ?
LP: Je suis passée d’une position d’attaquante à une position de constructrice de point, ce qui a été une grande évolution pour moi. C’est un changement qui demande beaucoup d’ajustements, mais qui m’a permis d’apporter une nouvelle dimension à mon jeu. J’ai également commencé à jouer plus régulièrement, ce qui a contribué à augmenter ma confiance et mes compétences sur le terrain. Cela a été une expérience d’apprentissage incroyable, et j’attends avec impatience de voir où cela me mènera à l’avenir.
Jouer à droite correspond à ma personnalité
FB : Je me souviens qu’à tes débuts, je te voyais quasiment systématiquement à gauche. Maintenant, je te vois toujours à droite. Y a-t-il eu une évolution? Est-ce que d’autres joueurs t’ont influencée à faire ce changement ?
LP: Oui, effectivement, j’ai commencé à gauche : je me suis tout de suite retrouvée dans ce positionnement car j’avais un bon smash, donc on m’a dit “Lucile, passe à gauche”. Mais finalement, jouer à droite correspond plus à ma personnalité, car j’aime être conservatrice et éviter les erreurs.
Je ne regrette pas ce changement. Pour le moment, je me sens plutôt bien à droite. Et s’il est vrai qu’à gauche, il y a un peu plus de piment et de folie, je trouve ma place à droite.
FB: Comment s’est déroulée l’organisation de ces Jeux Européens? Quelle était l’ambiance au sein de l’équipe de France ?
LP: L’organisation était un peu disparate au début. Les terrains n’étaient pas finis quand nous sommes arrivés, mais tout s’est arrangé à temps pour la compétition. En ce qui concerne l’ambiance au sein de l’équipe, c’était la première sélection pour Carla Touly, donc cela nous a permis de la connaître mieux. Il y avait une bonne ambiance dans l’équipe malgré la pression de la compétition.
Les défaites des camarades affectent
FB : Les défaites ont-elles eu une incidence sur l’ambiance dans l’équipe et sur la suite des matchs ?
LP : Les défaites sont toujours délicates à gérer. Par exemple, lorsque Jérémy et Tom ont perdu, nous étions affectés. Mais cela ne nous a pas empêchés de rester solidaires et de nous soutenir les uns les autres.
C’était difficile pour Thomas après sa défaite, mais il a réussi à rebondir lors de notre match en mixte le lendemain. Sur le terrain, il était à fond et il a apporté son expérience et sa positivité à notre duo.
FB : Thomas semblait un peu timoré lorsqu’il devait jouer contre les filles dans les matchs mixtes. Est-ce qu’il y a eu une discussion à ce sujet avec lui ou avec le coach ?
LP: Oui, il y a eu beaucoup de discussions sur ce sujet au sein de l’équipe et avec les entraîneurs. Thomas était plutôt réticent, mais nous avons décidé d’y aller de toute façon car il y avait une médaille en jeu.
FB : Avez-vous parfois délibérément évité de viser les filles pendant les matchs ?
LP: Non, nous avons simplement joué le match. Cependant, nous avons évité de viser spécifiquement les filles. En cas de collision accidentelle, nous nous sommes immédiatement excusés pour maintenir l’esprit sportif.
Personnellement, j’ai apprécié l’expérience car j’ai l’habitude de jouer dans des matchs mixtes. C’était une nouvelle expérience et j’ai trouvé cela très intéressant.
Je suis pour les compétitions mixtes, bien que je comprenne que certains ne soient pas de cet avis. Cependant, le calendrier était un peu compliqué car nous devions jouer les matchs mixtes avant le tableau principal, ce qui a créé une certaine tension. Peut-être que cela pourrait être amélioré.
FB : Quel match vous a particulièrement marqués, en bien ou en mal, au cours de la semaine ?
LB : Le match que j’ai le plus apprécié a été contre le Portugal avec Thomas en quart de finale. Nous avons réussi à revenir après avoir perdu le premier set et cela m’a aidé à gagner en agressivité dans mon jeu. En revanche, le match pour la médaille de bronze a été le plus frustrant, car nous sommes passés très près de l’emporter.
“J’aurais peut-être dû m’imposer davantage face à l’Espagne”
FB : Selon toi, qu’est-ce qui a manqué face aux Espagnoles avec Jess lors de l’Open Dames ?
LB : Ce qui nous a manqué, c’est peut-être une meilleure gestion du rythme. Nous avons perdu un break assez facilement dans le troisième set à cause d’un relâchement dans nos services. Par la suite, nous avons couru après ce break et nous n’avons pas réussi à le rattraper.
FB: Peux-tu nous parler du moment où toi et Jess avez partagé la même zone sur le terrain, ce qui a parfois semblé vous gêner ?
LP: Oui, effectivement, il y a eu des moments où Jess et moi nous sommes retrouvées sur la même zone. Cela peut arriver quand le jeu se durcit. Je ne le reproche pas du tout à Jess car elle a une grande envie de gagner et cela se traduit parfois par une agressivité dans le jeu, c’est une de ses forces. Peut-être qu’elle s’est un peu plus épuisée que d’habitude sur ce point.
Moi de mon côté, j’aurais dû peut-être m’imposer un peu plus. J’avais l’impression de ne pas être dépassée, surtout dans le troisième set. J’aurais peut-être dû m’imposer un peu plus. C’est en tout cas une expérience précieuse pour les prochains matchs.
FB: Est-ce que tu penses qu‘il aurait été préférable tactiquement que Jess reste un peu plus dans sa zone ?
LP: C’est une question difficile. Ce n’est pas parce qu’elle vient souvent de mon côté que cela pose un problème. Quand je suis moins bien, elle vient faire le travail à ma place et ça nous sauve énormément. Elle a traduit son envie de gagner en voulant aller chercher ces balles. En revanche, j’aurais peut-être dû m’imposer un peu plus et lui dire de rester de son côté pour conserver son énergie.
Avec du recul, peut-être qu’on aurait pu gérer la situation différemment. Si on avait attendu un coup de plus avant de faire une action, cela aurait peut-être changé la donne. Mais avec des “si”, on refait tous les matchs. C’est l’expérience qui nous fait apprendre.
“Si on jouait plus, on aurait pu aller plus loin”
FB: Est-ce que vous regrettez de ne pas avoir participé à plus de tournois pour avoir un meilleur classement et peut-être éviter des adversaires redoutables plus tôt dans la compétition ?
LP: C’est vrai que nous nous sommes posées cette question avec Jess. On a fait une belle performance malgré le fait qu’on ne s’entraîne qu’une à deux fois par semaine car nous avons un travail à côté. Mais on se dit aussi que si on jouait plus souvent, on aurait peut-être pu gagner ces matchs. C’est une question de projet de vie, cela demande une grande remise en question.
J’aimerais jouer plus, mais j’ai un travail à côté et je fais beaucoup de route pour m’entraîner. Il faut trouver un équilibre entre le travail, le sport et la vie personnelle. C’est un choix à faire et une réflexion à mener.
Franck Binisti découvre le padel au Club des Pyramides en 2009 en région parisienne. Depuis, le padel fait partie de sa vie. Vous le voyez souvent faire le tour de France en allant couvrir les grands événements de padel français.