À La Réunion, dans un décor exceptionnel, nous avons retrouvé David Matéo, fondateur de ViaPadel et l’un des directeurs de tournois FIP les plus actifs en Europe. Après deux semaines intenses lors des premiers tournois internationaux organisés sur l’île, il revient sur l’organisation, les coulisses, les anecdotes, son parcours, ses projets… et sur la réalité parfois difficile de l’évolution du padel français.

“On s’est régalé, je n’avais jamais vu autant de monde”

Franck Binisti : On sort de deux grosses semaines, deux premiers tournois internationaux, et un succès populaire incroyable.

David Matéo : Oui, on s’est régalé, le public était conquis. Je n’avais jamais vu autant de monde dès les premiers tours, pourtant c’était mon 10e FIP. Déjà sur nos premiers tournois à Canet, où tu étais, il y avait du monde. Mais là, dès les 16e à Champ Fleury, c’était impressionnant. C’est ça qui a fait la différence avec d’autres tournois : souvent, les premiers tours sont un peu vides.

Mika Grenier, le patron du Réunion Padel Club, nous avait prévenus : “Sur les P100, il y a 200 personnes en tribune.” Je pensais qu’il exagérait. Il n’exagérait pas du tout. Hier, c’était impressionnant : des gens assis par terre, debout, les tribunes pleines, le bar plein. C’est pour ça qu’on est là aussi.

“On a hésité… mais on a bien fait de se lancer à 200 %”

Franck : C’est vrai qu’avant la compétition, il y avait des pseudo-polémiques. Fallait-il vraiment organiser ces tournois ? En même temps se jouait le FIP Platinum de Lyon, et d’autres tournois parallèles. Vous avez hésité…

David : Oui, on a un peu hésité parce qu’on n’était pas au courant tout de suite pour le Platinum de Lyon. Ça a un peu perturbé, mais La Réunion avait envie de se lancer. Ils accueillent déjà des événements internationaux en beach, et ils voulaient placer le padel au centre. Aujourd’hui, tout le monde est ravi et on repartira l’an prochain.

2026 : deux FIP déjà validés, et même un troisième ?

Franck : Les clubs veulent déjà renouveler l’expérience pour 2026.

David : Oui. On a décalé les dates avec la FFT pour ne pas marcher sur Lyon. Et puis il y a le Grand Raid, événement international à La Réunion : pendant cette période, trouver des voitures, des hôtels, c’est compliqué. Lhoucen, le patron de Champ Fleury, voulait décaler d’une semaine. La FFT l’a entendu.
Dans le calendrier 2026, les deux dernières semaines d’octobre sont réservées pour deux FIP Silver.

Un FIP Bronze “à domicile” à Perpignan

Franck : Direction Perpignan…

David : Oui, du 6 au 14 avril, il y aura le FIP Bronze de Rivesaltes. J’ai enfin le club que je voulais. J’ai quitté ma routine de fonctionnaire après 20 ans. Je suis super heureux. C’est normal d’organiser un tournoi international chez moi.

Franck : Tu le fais chez les autres, donc si tu ne le fais pas chez toi, c’est qu’il y a un problème !

David : Exactement. Ce sera un Bronze, mais à Perpignan, proche de l’Espagne… un Bronze peut valoir un Silver en niveau. Tous ces petits Espagnols inconnus, sans classement parfois, qui nous explosent…

Le niveau français : “On est en retard, mais sur le bon chemin”

Franck : Un Français peut-il gagner ce FIP ?

David : J’aimerais bien. Le retour de Thomas Vanbauce, et sa demi-finale exceptionnelle. Julien Serin a fait un bon tournoi. Philémon Raichman avec Yanis Muesser m’a impressionné. Je ne pensais pas qu’ils jouaient aussi bien.

Franck : Quels sont les bons points de l’évolution du padel français ?

David : Il y a 10 ans, il y avait 1400 licenciés. Aujourd’hui : 100 000. Nous, on était très bien classés à l’époque… aujourd’hui, on ne vaut plus rien.
Les jeunes arrivent : Yoan Boronad, Timéo Fonteny… Ça joue grave.
On est en retard sur l’Espagne, mais normal : eux, ça fait 50 ans qu’ils jouent.

“Sans les Espagnols, ce ne serait pas pareil”

Franck : Mieux vaut faire venir beaucoup d’Espagnols ou miser sur les Français ?

David : Les Français, c’est top : quand Elisa ou Anna-blue jouent, c’est la folie. Mais les Espagnols… ils jouent mieux.
Le public a envie de voir ça. On veut nos Français, mais aussi des joueurs incroyables capables de taper des par 3 en marchant. Sans eux, ce ne serait pas la même saveur.

“Je ne pense pas qu’un autre directeur FIP en ait fait 10…”

Franck : Tu en es à dix tournois. D’autres en ont fait autant ?

David : Je ne pense pas. Peut-être Jean-Thomas Peyrou, qui a fait de gros tournois (Bordeaux P2…). Maurice ensemble. Le FIP Promises Paris.

“Tout a commencé à Canet… et je n’imaginais pas du tout ce parcours”

David : Tout commence en 2021, quand la mairie de Canet m’appelle pour organiser un tournoi à 8000 € de prize money.

La Via Padel Cup, qui était le circuit amateur de référence que tout le monde connaît, en tout cas dans le sud de la France. C’est grâce à ça que la mairie m’a appelé. J’organisais des tournois à Canet, des P500. Et le FIP Gold de Perpignan aussi. En 2022, on avait fait le FIP Gold de Perpignan, et de nouveau un FIP Rise sur la plage, la même place à Canet. Quelle aventure incroyable.

Quatre ans plus tard, on est à La Réunion, Maurice, Bourg-en-Bresse, Lyon…
Jamais je n’aurais imaginé ça.

2026 : FIP Platinum Marseille

Franck : Parlons de Marseille.

David : Je serai directeur du FIP Platinum Marseille, au Palais des Sports, du 2 au 8 février. Je tiens à remercier Julian Nazarian pour sa confiance. Et évidemment Stéphane Penso, qu’on ne présente plus, chez qui on ira faire les qualifications. C’était la seule case qu’il me manquait. Il ne me reste qu’à concurrencer Jean-Thomas sur les P2. (rire)

“J’ai perdu des amis… c’est ma plus grosse déception”

Franck : tu as eu des moments compliqués ou moins évidents dans ce parcours ?

David : Oui, malheureusement. Je ne sais pas si c’est français, si c’est perpignanais, catalan… J’ai fait beaucoup dans mon département, énormément.
Mais malheureusement, quand tu fais plein de choses et que ça marche, que tu réussis, tu attises aussi de la jalousie.
Quand je viens ici, quand je vais à Bourg-en-Bresse avec Alexandre Piquet ou à Lyon, peu importe, les gens sont ravis de m’avoir. J’ai été accueilli comme un roi par Lhoucen, par Mika, par toutes ces équipes.
Et ça fait du bien.
Parce qu’à Perpignan, c’est un peu plus compliqué. Surtout maintenant que j’ai ouvert un premier club, qu’un deuxième va arriver. La concurrence ne fait pas plaisir à tout le monde.
J’ai perdu des amis, des gens que j’appréciais beaucoup. Il y a des gens qui me détestent depuis longtemps déjà, et qui continuent à bien le faire.
Ces gens-là se trompent depuis le début, parce que j’ai un caractère de chien et je vais me battre.

Franck : Tu dis que tu as perdu des amis. C’est peut-être la plus grande déception aujourd’hui ?

David : Oui. En fait, je n’ai jamais considéré le padel comme un travail. Travailler pour sa passion, ce n’est pas travailler, c’est s’amuser.
Dans l’âme, je ne suis pas un entrepreneur. Je n’aime pas ça, je ne suis pas comme ça.
La priorité vient à la famille, aux amis. J’ai essayé de faire avec les copains. Certains se sont retournés contre moi. Pour moi, c’est la plus grosse déception.
Je fais un club, il faut rembourser un crédit, etc. Il y a plein de choses. Mais ce n’est pas mon moteur.

Et d’avoir perdu trois, quatre personnes en particulier… De ne plus les avoir au téléphone, de ne plus avoir de texto… Moi, c’est un truc qui me fait chier

Un 2e club pour fin 2026 / début 2027

Franck : Tu parles d’un deuxième club. Ce sera pour quand ? Où ?

David : Ce club… On a eu le permis accepté et purgé de tout recours au mois de juillet. On est en train de faire tous les devis, ça prend du temps. Il sera à Perpignan Sud, donc oui, on n’est pas si loin d’un club qui m’est très cher et qu’on connait tous : le Club du MAS. J’ai fait toutes mes gammes avec Alain Henri, au club mais aussi lors des nos tournois FIP à Canet et Perpignan.
Aujourd’hui, Alain et moi, on ne se voit plus trop. Les relations sont un peu tendues. Je suis tiraillé. Je comprends aussi du fait de ce projet de second club. Mais comment dire non à cette opportunité de terrains.
Je suis associé avec quelqu’un d’autre, qui lui n’est pas sur le padel : lui, c’est l’immobilier. Et ce terrain, à cet emplacement-là, il en restait un. On a eu l’occasion, on se l’est fait proposer. On s’est jeté dessus.
Il ouvrira, avec un peu de chance, fin 2026, début 2027, avec un grand restaurant, un grand bar, huit terrains couverts climatisés, un parking limité… Toutes les qualités qu’un club doit avoir aujourd’hui.
En 2015, quand on arrive, on est heureux de voir deux terrains à l’extérieur. On a juste envie de jouer au padel.
Aujourd’hui, des clubs comme ça, il y en a plein. Je pense que le futur passe par ce type de clubs.

Franck : Question naïve : est-ce que ce n’était pas l’occasion de construire quelque chose avec les amis dont tu parles ? De rendre un peu la monnaie de la pièce, dans un endroit qui t’a fait, qui t’a construit ?

David : Je sais… Le perpignanais que je suis est reconnaissant. Je le sais.
Je sais que la personne qui avait ce terrain est venue me voir. Il m’a dit qu’il avait d’abord proposé le terrain au MAS. Je ne pense pas qu’il m’ait menti.
Et le MAS a décliné. Je pense qu’Alain voulait se concentrer : c’est son bébé. Il habite là-bas, ses parents sont là-bas, ses enfants aussi. C’est son cocon, son bébé.
Et quitter ça ou en faire un autre… Je ne pense pas que ça fasse partie de son ADN.
Et non, je ne lui ai pas proposé officiellement de faire ça ensemble. Peut-être que j’aurais dû. On en a parlé, quand même.
Oui, ça s’est mal emboîté. Je regrette un petit peu. Mais j’espère qu’on arrivera à se reparler correctement à travers des tournois.

Franck : Tu parlais tout à l’heure des joueurs français qui essaient de passer le cap des quarts, des demi-finales, mais qui se frottent à plus fort. IL manque quoi ?

David : Franchement ? Le temps. On est en retard sur les autres pays, mais c’est normal. On l’a découvert à Perpignan, au MAS, je crois que c’était 2011-2012.
Mais en 2011-2012, ça tapait déjà en Espagne. Ils étaient aguerris depuis 15 ans.
Donc, le temps.
La formation française est bonne. Les sélectionneurs des équipes de France sont monstrueux. Tu as de sacrés coachs : Loïc Le Panse, Jean-Thomas Peyrou, Yannick Maurel, Johan Bergeron et d’autres.
Et à Perpignan, les écoles privées font du padel en EPS. Ça n’existait pas.

Franck Binisti

Franck Binisti découvre le padel au Club des Pyramides en 2009 en région parisienne. Depuis, le padel fait partie de sa vie. Vous le voyez souvent faire le tour de France en allant couvrir les grands événements de padel français.