Depuis la saison 2025, le tennis a officiellement autorisé le coaching hors-court sur les circuits ATP, WTA et ITF. Une décision historique, mais qui divise profondément le monde de la petite balle jaune. Là où le padel ou le badminton ont depuis longtemps intégré l’entraîneur comme acteur visible du spectacle, le tennis avance à pas comptés, pris entre tradition et modernisation.

Un changement récent, mais qui ne convainc pas tout le monde

Jusqu’en 2022, tout coaching direct pendant un match était strictement interdit dans les compétitions de tennis. Les entraîneurs pouvaient gesticuler ou encourager depuis les tribunes, mais sans conseils techniques ou tactiques — du moins officiellement. Les échanges étaient souvent limités à des regards ou à des signes codés. Cette règle a commencé à se fissurer lorsque l’ATP a lancé une expérimentation de coaching verbal et gestuel depuis les gradins. Depuis 2025, l’ITF a franchi le pas : le coaching hors-court est désormais permis en Grand Chelem, avec certaines restrictions (durée des échanges, emplacement du coach, contenu des conseils).

Pour Taylor Fritz (États-Unis, n°5 mondial), cette évolution est une erreur :

« Can we stop ruining the 1v1 mental/strategic aspect of the sport PLEASE. »
(“Peut-on arrêter de détruire l’aspect mental et stratégique du un-contre-un, s’il vous plaît.”)
L’Américain craint que cette ouverture ne dilue ce qui fait la singularité du tennis : la solitude stratégique.

Denis Shapovalov (Canada, ancien n°10) partage cette vision :

« Not just as a tennis player but as a fan of this sport it’s sad to see this new off-court coaching rule. Tennis is special because you are out there alone. Why are you trying to change the beauty of this game? »
(“Pas seulement comme joueur, mais aussi comme fan, c’est triste de voir cette nouvelle règle. Le tennis est spécial parce qu’on est seul sur le court. Pourquoi changer la beauté de ce sport ?”)

Même ton direct pour John Millman (Australie, ancien n°33) :

« Off-court coaching sucks. »
(“Le coaching hors-court, c’est nul.”)

Ces positions ne viennent pas seulement de joueurs conservateurs : elles traduisent un attachement profond à l’image du tennis comme duel intellectuel où chaque décision appartient au joueur seul.

D’autres voix réclament une modernisation urgente

À l’opposé, Nick Kyrgios (Australie, ancien n°13 mondial) alerte sur la nécessité d’adapter le tennis aux attentes d’un public plus habitué aux formats interactifs :

« Ce que j’aime dans le tennis, c’est voyager dans le monde entier… Le pire, c’est la diffusion, c’est brutal. J’aimerais que le jeu continue de grandir… Je veux allumer la télé et ressentir de l’excitation. »

Patrick Mouratoglou, ancien coach de Serena Williams, est encore plus direct :

« Pourquoi le tennis interdit le coaching sur le court, alors que tous les autres sports le permettent ? Si on n’implique pas les spectateurs ainsi, le tennis ne sera suivi que par des puristes. Pour séduire un public moderne, il faut offrir autre chose que le jeu : il faut montrer les personnalités. Le tennis doit devenir plus moderne. »

Novak Djokovic (Serbie, n°1 mondial) a, lui, accueilli favorablement les “coaching pods” testés à l’Australian Open 2025, des banquettes installées au bord du court pour rapprocher l’entraîneur du joueur :

« Je trouve que c’est une excellente introduction au tournoi… Je suis heureux comme cela… Ce que je n’aime pas, c’est que quelqu’un de l’équipe adverse pourrait entendre et transmettre des infos à son joueur. Il faut garder une part de vie privée dans la stratégie. »

Djokovic incarne ici une position intermédiaire : ouvrir la porte au spectacle tout en préservant le secret tactique.

Le padel, l’exemple qui fait réfléchir

Dans le padel, le coaching fait partie intégrante du match. L’entraîneur est assis sur le banc, discute avec ses joueurs à chaque changement de côté, devant les caméras et les micros. Les spectateurs découvrent ainsi les ajustements tactiques, les encouragements, les disputes parfois… Ce sont autant de moments qui créent de la dramaturgie et nourrissent les discussions après-match.

Ce modèle fonctionne : il donne du rythme aux retransmissions et humanise les champions. L’idée séduit certains fans de tennis qui rêvent de voir leurs idoles dans ces moments de tension ou de complicité.

D’autres sports de raquette l’ont déjà intégré

  • Badminton : le coach est derrière le joueur et peut intervenir verbalement à chaque pause ou changement de côté.
  • Tennis de table : l’entraîneur donne ses consignes à la fin de chaque set, souvent en direct à la télévision.
  • Squash : l’accès au joueur est limité, mais les conseils sont visibles et audibles entre les jeux.

Ces disciplines prouvent qu’un sport peut rester hautement compétitif tout en offrant une plus grande transparence stratégique au public.

Imaginez un instant Rafael Nadal, installé sur le banc, expliquant à Carlos Alcaraz comment retourner un service slicé de Novak Djokovic. Ou Roger Federer, carnet de notes à la main, dessinant un schéma de jeu pour Holger Rune à 5-5 dans un tie-break décisif. Ce genre de scène, aujourd’hui réservée aux coulisses ou à la Laver Cup, pourrait devenir un moment fort de retransmission, capable de passionner même ceux qui ne regardent pas habituellement le tennis.

Un enjeu stratégique… et économique

Le tennis fait face à une concurrence inédite : l’essor fulgurant du padel en Europe et en Amérique latine, la montée du pickleball aux États-Unis, ou encore l’attractivité des sports de raquette hybrides pour un public jeune. Nick Kyrgios l’a résumé :

« Si on ne rend pas le tennis plus excitant à regarder, il sera éclipsé par d’autres sports qui, eux, offrent plus de spectacle. »

En refusant d’intégrer pleinement le coaching visible, le tennis risque de s’enfermer dans une image élitiste, loin des standards de divertissement d’un sport professionnel moderne.

Franck Binisti

Franck Binisti découvre le padel au Club des Pyramides en 2009 en région parisienne. Depuis, le padel fait partie de sa vie. Vous le voyez souvent faire le tour de France en allant couvrir les grands événements de padel français.