Deuxième et dernière partie de l’interview XXL réalisée avec Benjamin Tison, désormais Responsable haut niveau et sportif à la direction padel de la Fédération Française de Tennis. Après avoir parlé notamment de sa nouvelle vie, le Francilien détaille ses nouvelles missions à la FFT, ses axes de travail et revient aussi sur quelques sujets chauds d’actualité.
Ses axes de travail
“Avec les équipes, on commence à construire la politique sportive en collaboration avec les ligues. On fait un tour des ligues en ce moment pour avoir bien conscience des problématiques de chaque territoire. On a fait déjà six visites de ligues, je ne vais pas en dire plus pour le moment car je veux attendre d’avoir vu tout le monde pour pouvoir co-construire un projet.
Ce qui est sûr, c’est que sur le travail que j’ai fait en dehors des ligues, sur les conventions, on a mis l’accent sur les jeunes. Même des amis à moi comme Adrien Maigret, Jérôme Inzerillo ou Max Moreau sont moins aidés que lors des précédentes années car on veut donner la priorité aux plus jeunes avec la création d’un groupe espoirs chez les moins de 25 ans chez les hommes, et de moins de 30 ans chez les femmes. L’objectif est d’avoir un maximum de joueurs et joueuses dans le Top 100 dans les dix prochaines années.
On travaille aussi sur l’ouverture d’un Centre national d’entraînement (CNE). J’aimerais qu’il puisse voir le jour en 2025.
Ensuite, il y a tout ce qui concerne la politique sportive. Aujourd’hui, on parle de haut niveau, mais s’il n’y a pas de jeunes, s’il n’y a pas d’écoles de padel, s’il n’y a pas de masse, il n’y a pas de haut niveau.”
“Tout le monde doit œuvrer pour le bien du padel”
“Pour moi, le padel s’est développé un peu tout seul car c’est un sport incroyable. Grâce aux structures privées en France, il a connu une progression linéaire, certes moins forte qu’en Italie ou en Suède, mais tout de même une belle progression.
Aujourd’hui, tout le monde veut opposer les clubs associatifs et le privé mais pour moi on doit être ensemble, travailler main dans la main. Tout le monde doit œuvrer pour le bien du padel, et au sein de mon équipe on pense tous de cette manière. Grâce à cela, je pense que l’on va réussir à proposer des choses et faire en sorte que le padel sorte grandi des décisions que l’on va prendre.
On va se tromper, on va faire des erreurs, on ne peut pas faire l’unanimité, il y a plein de règles que l’on peut discuter à chaque fois, on peut se poser des questions, réfléchir. Le but maintenant, c’est de réaliser de vrais sondages, et pas d’écouter entre guillemets le dernier qui s’est plaint.”
Stéphanie Cohen-Aloro : “Une spécialiste du management”
“Stéphanie Cohen-Aloro est une spécialiste du management, elle s’entoure d’experts du padel, elle est là pour manager les équipes et pour faire valider les décisions auprès de la gouvernance. Aujourd’hui, certains disent qu’elle ne connait pas le padel, mais je ne connais pas une personne connaissant le padel autour de moi qui pourrait être à sa place. Elle a un poste très spécifique, c’est elle qui manage le groupe, et je ne crois pas qu’il faille avoir joué au padel pour pouvoir faire ça. Aujourd’hui personne ayant très bien joué au padel a aussi fait de grandes études. C’est un poste très compliqué, et je pense qu’elle a le profil pour.”
Bientôt un CNE padel en France ?
“Actuellement, les joueurs de l’équipe de France de padel ont accès au CNE tennis. Ils n’ont pas de coach dédié mais peuvent accéder à la salle de sport du CNE.
Ce que je voudrais, c’est que l’on puisse avoir à terme un CNE padel, qui ne soit pas nécessairement sur le même site. Cet outil est indispensable puisque nos meilleurs joueurs partent en Espagne, même s’il y a de l’expertise en France, on voit que plein de choses se mettent en place avec JT Peyrou à Bordeaux, Yannick Maurel à Palavas, Johan Bergeron aussi à All In Lyon même si là il revient sur le circuit. On a aussi un Jérémy Scatena qui pourrait avoir un rôle à jouer. Mais j’ai vraiment dans l’idée que d’ici quelques années, on ne soit plus obligé de franchir la frontière pour se développer en tant que joueur de padel. Cela serait un grand pas pour la France.
J’espère que dans un avenir proche on sera capables de rivaliser. Il faut évidemment aller chercher de l’expertise espagnole, c’est aussi important pour former nos équipes, mais il ne faut pas croire que tout est incroyable en Espagne, il y a aussi de mauvais entraineurs là-bas.”
Le débat concernant la N1
“Ce qui me dérange, c’est par exemple quand les gens disent qu’il faut interdire aux Espagnols de participer à la compétition. C’est impossible à cause de l’arrêt Bosman, il faudrait que les gens se renseignent un peu avant de dire n’importe quoi.
Il y a de très bonnes propositions, comme une personne qui proposait de n’autoriser l’accès à la compétition qu’à ceux ayant participé à trois tournois en France l’année d’avant. Là le problème en l’occurrence, c’est qu’une Alix Collombon, qui a joué deux tournois en 2023, n’aurait pas pu faire les Interclubs… On peut aussi penser aux Joueurs issus de la filière de formation (JIFF), comme au tennis, mais aujourd’hui au padel, il n’y en a quasiment pas. Il faut toujours bien réfléchir à toutes les problématiques qu’une solution peut engendrer.
Je suis pour qu’il y ait des Espagnols, je trouve que cela fait monter le niveau. Je ne pense pas qu’aujourd’hui, ils prennent la place de beaucoup de monde pour autant. Il va aussi y avoir des choses qui vont être mises en place, la création d’une N2 notamment. Je pense qu’il était trop tôt cette année pour mettre des limites. Ce que le tennis a fait en cinquante ans, on ne va pas le faire en trois !”
Les Espagnols en France : une bonne chose
“L’année prochaine je pense, c’est mon avis personnel, qu’il y aura des évolutions, sur le nombre de mutés pour qu’il y ait un sentiment plus d’appartenance au club, que ce soit pour les Français ou étrangers, peut-être aussi une règle concernant le nombre de tournois à jouer en France avant.
Mais pour moi, les Espagnols ne sont pas un problème, ils sont au contraire une chance énorme. Et pour ceux qui disent que ce n’est pas intéressant ou que ça ne les fait pas vibrer, je les encourage à aller voir l’attitude qu’ont eu ces Espagnols sur le terrain. Que ce soit Teo Zapata, Mario Ortega, Aitor Garcia… Ils ont tous tout donné du premier au dernier point, et je peux vous dire qu’ils ne sont pas non plus payés 50 000€ par match !
Si j’étais directeur d’un club, j’aimerais qu’il y ait un ou deux Espagnols pouvant partager leur expérience avec des joueurs français. Mais c’est ma vision des choses, on a le droit de penser différemment.
Pour moi, cette première édition avec autant d’étrangers a été une très bonne chose. Certes, il y a des ajustements à faire, des règles à mettre en place, mais Stéphane Berrafato et ses équipes travaillent dessus. Même si ça me concerne un peu moins, je suis consulté et je trouve ça génial. J’adore débattre, échanger, ce que je n’aime pas c’est quand les gens sont butés. Le padel évolue tellement vite qu’il faut être assez souple.”
Les formations padel
“Aujourd’hui, au niveau de la loi française, et ça n’a rien à voir avec la FFT, un entraîneur de tennis a le droit d’enseigner le padel. Certains se plaignent que la formation DFMP ne dure que 40 heures, mais elle ne peut pas être de 80 heures, sinon personne ne voudrait la faire. Le but c’est de donner envie, même si c’est une petite base, c’est toujours mieux que rien.
Le DFMP et le TFP ont été mis en place à une période où il était nécessaire de donner un cadre, il fallait que l’industrie se lance. Cela peut être amélioré et va être amélioré mais il fallait bien un point de départ. Avec mes équipes, on a une réflexion à mener mais on a déjà des idées là-dessus.”
Les écoles de padel
“On veut essayer de favoriser la création d’écoles de padel. Aujourd’hui, il y a très peu d’écoles de padel pour les jeunes en France. Pourquoi ? Parce qu’un privé qui marche bien, qui loue ses pistes, pourquoi ferait-il de la formation de jeunes alors que cela ne va pas lui rapporter d’argent ? C’est à nous de trouver des leviers, de construire peut-être un modèle différent et ce qui est primordial, c’est de sortir un peu des sentiers battus du tennis et regarder ce qui se fait ailleurs. Il y a des choses qui sont faisables et d’autres non.
Par exemple, on ne peut pas vraiment prendre exemple sur la Suède, qui est un pays avec une culture totalement différente. Un exemple tout simple c’est que pendant le Covid, les Suédois restaient chez eux d’eux-mêmes, nous, malgré les interdictions, on faisait tout ce qu’on pouvait pour s’échapper. Je pense qu’on peut s’inspirer un peu de l’Italie, même s’ils ont plus de privés et moins de clubs associatifs, car ils ont comme nous une fédération qui fait tennis et padel.
La clé, c’est qu’il y ait des clubs de padel partout en France, il y a réellement encore des zones carencées. On essaye aussi de voir ce que la FFT pourrait faire pour permettre de booster encore davantage cette croissance du nombre de pistes.”
Xan est un fan de padel. Mais aussi de rugby ! Et ses posts sont tout aussi punchy. Entraîneur physique de plusieurs joueurs de padel, il déniche des posts atypiques ou traite de sujets d’actualité. Il vous donne également quelques conseils pour développer votre physique pour le padel. Clairement, il impose son style offensif comme sur le terrain de padel !