Romain Taupin : “le public est une opportunité pour le privé”

Interview Instagram “le Face-à-Face” de Romain Taupin, ancien professeur de padel à Barcelone, et fondateur du site internet Padelonomics.

Romain Taupin a écrit un article très intéressant récemment, concernant l’état des lieux du marché du padel en France, vous pouvez le trouver ICI.

La popularité des terrains indoor en France

Lorsque l’on commence à bien aimer le jeu et à être plus pointilleux, l’indoor enlève les variables vent, soleil, et on s’assure de pouvoir jouer son jeu sans une variable pouvant venir gâcher un match ou un entraînement. On est dans une ère où les personnes veulent se faire plaisir et ils ne veulent pas passer 1h30 sur le terrain à être gênés par le vent ou le soleil. En France, on trouve beaucoup de joueurs de tennis, avec une habitude de compétition,qui apprécient de jouer en intérieur.

En Espagne, il y a une grande pratique très orientée loisirs, de gens qui sont contents de profiter du padel pour prendre le soleil dehors, et qui du coup préfèrent l’outdoor.

Evolution du padel en France entre public et privé

Il y a 8 000 clubs de tennis en France. 5 000 sont vraiment intéressants pour le padel. Ce grand nombre de clubs, éparpillés sur tout le territoire, vont permettre de parsemer le territoire de padel. Dans les années à venir, il y aura plus de clubs de padel dans le public que dans le privé. En revanche, ce sera toujours des petits clubs, des petits projets avec 1 à 2 terrains, à cause d’un manque de moyens.

Le privé a contrario proposera des gros centre avec 4-6 terrains. Ainsi, même s’il y aura plus de clubs dans le public, on sera sur du 50-50 en termes de nombre de terrains.

Aujourd’hui il y a plus de sections de padel dans le public, en gros c’est du 60-40. On voit bien donc que le public est le vecteur de croissance du padel. En 2014, il y avait plus de privé mais aujourd’hui ça a changé, et ça ne repartira plus dans l’autre sens.

Fermetures de clubs privés

Dans une étude que j’avais faite en 2017, je disais que le marché du padel était difficile car il fallait créer la demande et l’offre. L’offre c’est mettre des terrains, et l’offre c’est d’expliquer aux gens ce qu’est le padel. Même aujourd’hui de nombreux gens croient que quand on parle de padel on parle du paddle sur l’eau. Je disais en 2017 que c’était très compliqué de créer du 100% padel. Et les clubs qui ont fermé, Central Padel à Lyon, le Spot’In à Rennes, étaient des clubs 100% padel…

La formule 100% padel est très compliquée car il faut faire découvrir le sport tout en le vendant. Ce qui en marketing n’existe pratiquement jamais : on répond à une demande, mais créer offre et demande c’est très difficile, d’autant que généralement les loyers sont très chers pour un sport qui débute. Souvent je pense que les privés ont des difficultés non pas parce que le public leur fait de l’ombre, mais parce que leur business plans sont très ambitieux. Un 100% padel avec 10 000 ou 15 000€ de loyer, c’est ambitieux. Personnellement je ne mettrais pas mes sous là…C’est possible quand on est propriétaire de ses locaux, et que l’on se positionne comme le numéro 1 d’une région.

Baisse du nombre de terrains entre 2016 et 2018

Les premiers héros du padel, qui ont lancé l’activité, avaient je pense des loyers très élevés, et se sont faits manger un petit peu par la concurrence. Les pionniers ont lancé une première vague, et certains n’existent plus aujourd’hui mais ils ont lancé une dynamique et la deuxième vague sera plus solide.

Volonté d’être responsable padel à la FFT et son plan d’action

Mon plan d’action c’était déjà de supprimer le FFT Padel Tour. Je pensais que cet argent devait servir aux clubs privés, qui sont morts de faim. Je trouvais plus cohérent d’utiliser l’argent du FFT Padel Tour pour aider le public et le privé à créer des cours et à mettre des animations en place.

Le deuxième plan concernait la formation : en France, c’est un marché très tennis, c’est différent de donner des cours à quelqu’un qui a déjà joué au tennis qu’à quelqu’un qui débute de zéro. Pour un vrai débutant, qui ne sait pas tenir une raquette, il n’y a pas besoin d’avoir de supers moniteurs. En France, les profs de padel jouent avec les autres gens qui viennent du tennis, et souvent ils se font battre, donc il n’ont pas tellement de légitimité. Il y a un problème en France car les professeurs on appris en même temps que leurs élèves et donc les élèves vont dire : “pourquoi je prendrais des cours avec toi puisqu’au final on a appris ensemble”.

J’avais vu avec Pablo Ayma, qui était mon formateur à Barcelone, là où s’entraîne Benjamin Tison, c’était de créer une méthode pour recycler des joueurs de tennis. C’était pour aller beaucoup plus vite, car en France on a déjà plein de bons joueurs de tennis, qui ont une conscience de leur corps et de la maniabilité de la raquette qui sont bien plus avancées que chez un novice.

Je pensais donc former les professeurs à recycler les joueurs de tennis. Je voulais leur faire une formation d’un mois simplement pour qu’ils apprennent tout ça. Les profs de tennis qui ont 20 ans de terrain, savent faire la pédagogie, savent faire évoluer un joueur , ils ont le côté le mental, ils ont l’expérience anatomique. Pour faire du bon boulot il leur manque juste un mois, de dire “comment on recycle, comment on apprend le padel ?”.

Deux jours je trouve que c’est trop peu, ça fait tâche. Un mois ça permettait de donner une légitimité.

La FFT et l’association des clubs privés

La FFT est une chance, et elle fait plein de choses bien. Le FFT Padel Tour met en avant le padel, donc c’est positif. La FFT est puissante et elle met le padel en avant, elle communique, et elle aide le padel à se développer. Cela n’empêche pas que je suis pour que les privés s’unissent pour avoir plus de poids dans leur dialogue avec la FFT. Mais on a la chance d’avoir une Fédération puissante qui nous donne de la visibilité aussi bien en France qu’à l’international.

Les clubs privés prennent beaucoup de risques et il faut qu’ils récupèrent l’argent qu’ils produisent. Ils développent vraiment le padel, proposent avec l’indoor du padel de qualité toute l’année. Sur la formation ils sont meilleurs que la FFT, ce sont eux qui ont tous les plus grands joueurs, les plus grands coachs. Il faut qu’ils s’unissent pour le valoriser et le monétiser. Et surtout il faut qu’ils aient la la possession du Roland-Garros du padel.
La FFT a essayé de racheter l’Open de Toulouse pour 1€ symbolique. 80% du budget de la FFT est Roland-Garros. Au padel ce sera la même chose, l’évènementiel sera la poule aux œufs d’or, il faut donc que le privé le récupère pour se financer.

Aujourd’hui, comme le marché est petit, un club de tennis qui met des terrains de padel transforme plus rapidement ses tennismen en joueurs de padel, ce qui fait que le privé qui est à côté récupère des joueurs de padel, qui vont aller dans les clubs privés lorsqu’ils voudront des installations de meilleur qualité. Pour le moment la dynamique à moyen terme est en faveur des clubs privés. A long terme, lorsqu’il y aura plein de clubs de tennis pas chers, ils seront peut-être mal, mais pour le moment il faut penser à comment faire grossir le gâteau. Je pense que le club de tennis est une opportunité pour le privé.

Publié par
Xan Tafernaberry