Rencontre Padel Magazine avec Mauri Andrini. Cet Argentin vit en Europe depuis plusieurs années et a créé l’académie Hello Padel. Vous l’avez forcément croisé un jour au l’autre. C’est l’une des grandes figures du padel mondial.

Focus sur le sélectionneur de l’équipe de Grande Bretagne masculine.

Padel Magazine : “Pourrais-tu te présenter ?”

Maurio Andrini : “Je m’appelle Mauricio Andrini, je suis argentin et directeur de Hello Padel Academy.”

PM: “D’où viens tu et quelle est ta trajectoire padel, depuis ton enfance jusqu’à aujourd’hui ?”

MA : “J’ai débuté le padel quand j’avais 6 ans, à Pehuajo en Argentine, en même temps et au même endroit que Bela (sourire), sauf que lui était plus assidu et concentré que moi lors des cours. Jusqu’à mes 12 ans, je jouais pour le plaisir, puis pour le plaisir au niveau national et enfin à mes 14 ans pour le plaisir au niveau mondial. Aux côtés de Francisco Severo, j’ai été champion du monde et champion de tournois internationaux en 1998 et 2000. A mes 18 ans mon père m’a demandé si je voulais aller en Espagne pour les compétitions de padel ou rester en Argentine pour étudier et faire un cursus universitaire. Peut être que vous ne le croirez pas mais j’ai choisi les études. Cinq ans et le diplôme en relations publiques en poche, j’avais laissé le padel de côté.

Des années plus tard, en Europe, avec ma femme on s’installait à Londres. En se baladant dans la rue, et en traversant une avenue, je vois un monsieur avec une pala. Je me suis mis à courir derrière lui pour lui demander où il y avait du padel à Londres ? Incroyable, il y avait un club de 4 terrains (Ex-Canary Wharf) à seulement 5 minutes de là où nous logions. C’est ainsi que j’ai repris la pala. Je me suis retrouvé numéro 1 du Royaume-Uni durant 4 années puis sélectionneur de l’équipe nationale depuis maintenant 5 ans. On peut dire que c´est Londres qui m´a fait reprendre le padel.

J’ai repris sur le  WPT et aujourd’hui me voilà aux rennes d’une académie de padel implantée aux Pays-Bas, en Belgique et à Barcelone. J’ai également la chance de pouvoir voyager dans le monde entier pour enseigner le padel aux intéressés, et ceux qui ne le sont pas, je fais en sorte qu’ils le soient rapidement (rires).”

PM : “Comment es-tu arrivé au poste de sélectionneur de l’équipe de Grande Bretagne ?”

MA : “Avec Tom Murray, ancien responsable de British Padel (aujourd’hui LTA Padel), nous avons été 4 années consécutives numéros 1 de Grande Bretagne. Nous avons toujours été en très bons termes tant sur le terrain qu’en dehors pour le travail. Il m’a fait confiance, et moi de mon côté, vu que j’aime faire mon travail correctement, nous avons eu rapidement de bons résultats. Surtout nous nous sommes beaucoup amusés. C’est une des caractéristiques que je ne changerais pour rien au monde. Comme je dis toujours : “Si tu travailles en t’amusant, prends ton travail au sérieux”.”

PM : “Que t’a apporté le Royaume-Uni ?”

MA : “Je vis depuis 3 ans à Barcelone. Afin de jouer les tournois du WPT et me concentrer sur Hello Padel Academy, cette ville me va à merveilles. Le Royaume-Uni, comme je l’ai dit, a été le pays référence pour mon retour au padel. Ce fut une grande leçon qui m’a appris à m’adapter aux nations du monde entier. Le Royaume-Uni m’a appris à travailler avec des pays étrangers pour moi, des entreprises étrangères et bien sûr des projets étrangers. Autant vous dire que si vous ne sortez pas de votre pays d’origine, vous aurez du mal à acquérir une bonne confiance en vous et une compréhension de travail vers des pays comme ceux du nord de l’Europe par exemple. Il ne s’agit pas simplement de se déplacer, donner des cours de padel et rentrer à la maison. 

Hello Padel Academy c’est un concept intéressant qui fonctionne dans toute l’Europe depuis 2014.”

PM : “Comment vois-tu le padel au Royaume-Uni d’ici à 5 ans ?”

MA : “Le Royaume-Uni commence à sortir la tête du trou, et va se montrer en 2020 et 2021. La British Padel fusionne avec la LTA, bien plus puissante, qui sera la nouvelle responsable.
Actuellement le pays compte environ 60 pistes, et ce depuis déjà plusieurs années, une évolution faible en comparaison avec ce que proposent des pays voisins avec déjà plus de 150 pistes. Il semblerait qu’en 2020 les choses changent, les autorités ont commencé à le montrer. Et nous savons tous que si le Royaume-Uni frappe fort dans le monde du padel, nous pourrons être tranquilles, car le monde entier connaîtra le padel.”

PM : “Comment vois-tu le padel professionnel aujourd’hui ?”

MA : “Ce n’est pas facile d’expliquer comment je le vois. Je vois que le concept de padel s’est un peu déformé. Les numéros 1 Navarro/Lebron sont intraitables et nous avons pu le voir toute la saison 2019. Mais je reste avec une saveur amère. Avant, smasher depuis la ligne de fond faisait gagner que très peu de points, et aujourd’hui ça vous fait gagner des tournois. La balle est très rapide et les joueurs commettent des erreurs basiques par faute de pouvoir jouer nôtre coup “basique”, le lob. Des joueurs comme Lebron, Galan, Navarro, Tello, Tapia et tant d´autres sont capables de terminer le point en 1 seul smash. Jamais dans l’histoire du padel nous avons vu des matchs aussi rapides.

Le sport change et je le sais. La bandeja et le lob ne sont plus les coups majeurs. Il faut frapper fort et être proche du filet. Le problème c’est comment expliquer cette évolution à des joueurs étrangers qui ne jouent pas avec les mêmes balles, les mêmes températures et une autre concept du jeu ?  Ça reviendrait à dire le contraire de ce que nous (les moniteurs) expliquions il y a 5 ans. Si vous regardez les matchs du WPT de 2017 avec ceux de 2019, on dirait 2 sports différents. Je comprends que le public ait besoin de spectacle, et là dessus, WPT fait un travail remarquable. Je pense que c’est grâce à eux que le padel est aussi connu aujourd’hui.”

PM : “Comment voudrais-tu que soit le padel d’ici 5 ans ?”

MA : “J’aimerais qu’il y ait 5 pays dans le top 20. Par exemple Argentine en premier (rires), Espagne, France, Suède, Pays-Bas, Italie, Portugal. C’est un exemple car bon nombre de pays jouent à un niveau impressionnant. Il faut comprendre que l’Espagne a un coup d’avance car le padel dans ce pays est déjà très professionnalisé. Je crois que nous arriverons à 15 joueurs espagnols dans le top 20 d’ici 2025, mais la question était ma vision à moi non ? (rires).
J’aimerais que le padel devienne un sport plus professionnel, avec des fédérations, des joueurs, des sponsors, des constructeurs de terrain, et se poser des questions que nous ne posons pas encore en tant que jeune sport. Il y a beaucoup à apprendre et c’est ce qui est beau dans ce sport. Je fais partie de ces personnes qui seront toujours prêtes à aider et apprendre pour faire grandir de ce sport. Nous avons une opportunité unique et ce ne sera pas moi qui la laisserai passer. Il faut que nous montrions le padel au monde entier, de façon professionnelle, humble, responsable, amicale et passionnée. Cette philosophie m’a toujours aidé dans ma carrière et me sert encore aujourd’hui pour continuer de grandir professionnellement et au niveau personnel.”

PM : “Que crois-tu qu’il manque au padel ?”

MA : “Ce qu’il manque à notre sport, le padel lui-même le demandera. Les nouveaux pays qui s’uniront à cette aventure contagieuse demanderont eux-aussi. Sûrement que les règles se modifieront petit à petit, mais je crois que nous ne sommes pas encore à la fin du chemin. Aujourd’hui le meilleur padel se joue en Espagne et apporte un avantage aux joueurs. Mais le jour où les autres pays montreront le bout de leur nez, et que les Espagnols devront se déplacer en Suède, Belgique ou encore aux Pays-Bas, avec des climats différents, humides, froids et pourquoi pas sur des surfaces différentes, ce sera très intéressant de voir le développement du sport et des joueurs. En attendant, continuons d’éduquer de façon responsable tous ceux qui en ont besoin en faisant la promotion du sport chez les jeunes, vu que le padel est un sport parfait pour ça, pour le travail en équipe et le respect des autres.”

PM : “Quel serait ton message pour les jeunes joueurs qui voudraient devenir professionnels ? A tous les joueurs loisirs, aux clubs, aux investisseurs, aux fédérations et enfin aux organisateurs de tournois ?”

MA : “Travaillez avec de la prise de conscience, tous. Je joue au padel depuis que j’ai 6 ans parce-que c’est la chose la plus complète que la vie m’a apportée. On joue avec un partenaire, il faut être tolérant, respectueux, travailler en équipe, quelquefois nous sommes vulnérables mais par dessus tout nous nous devons d’être de bonnes personnes parce-qu’il est très facile de détecter les personnes génantes dans un club ou dans un tournoi. La compétition est saine si on sait rivaliser. Gagner ne veut pas dire que tu continueras à jouer, mais prendre du plaisir, oui.
Alors si vous êtes des joueurs débutants, professionnels, un chef d’entreprise, une marque, un investisseur ou autres, pensez à prendre conscience car nous sommes nombreux à travailler pour faire que le sport grandisse de façon cohérente et il est important de savoir que ce sport n’appartient à personne, au contraire, il est à tout le monde. Dessinons ensemble le chemin qui dira pourquoi le padel devrait atterrir dans tous les pays du monde entier et ne mettons pas simplement en avant les vainqueurs, parce-que, je me répète, il vaut mieux perdre en prenant plaisir que gagner sans avoir de plaisir. Si vous faites partie de ceux qui gagnent sans prendre de plaisir, vous ferez partie de la liste des personnes qui ont laissé le padel et même la compétition.

Luttons pour les valeurs, quoi que nous fassions.”

PM : “Veux-tu ajouter autre chose ?”

MA : “Remercier tous ceux qui m’entourent et m’encouragent dans mes projets, et ils sont nombreux. Sans eux, je ne pourrai pas faire la moitié de ce que je réalise aujourd´hui. Ma femme est le pilier de ma vie. Hello Padel à tous.

Rendez-vous au prochain match.”

Publié par
Franck Binisti