Focus sur le marché du tennis et ses pratiquants. Nous verrons que le public est large et qu’il évolue. Il faut également sur la filière socio-économique qui a un impact direct sur le nombre de pratiquants et le nombre de licenciés padel.

  • Evolution des différents publics

Le tennis moderne est parfaitement adapté aux familles et à leurs besoins puisque toute personne âgée de 5 à 80 ans peut trouver du plaisir et de la motivation dans le tennis. C’est-à- dire qu’il existe une offre correspondant à tous et permettant de progresser tout en s’amusant. Les enfants peuvent jouer dans un club de mini-tennis en même temps que leurs parents concourent chaque semaine aux compétitions et aux championnats par équipe. Les jeunes de moins de 14 ans peuvent participer à des programmes d’entraînement et de formation pendant que les juniors peuvent s’acclimater à la compétition par le biais des championnats. En plus les garçons peuvent jouer avec les filles et les adultes peuvent jouer avec les jeunes. Cela permet de contraster avec l’image commune d’un sport élitiste et de montrer que c’est un sport universel et ouvert à tous. Surtout lorsque l’on sait que le tennis est pratiqué par des millions de personnes dans le monde, plus précisément 60 millions dans 205 pays dont 3 millions pour la France en 2000.

Il existe plusieurs tendances sur le marché du tennis, tendances qui diffèrent chez les enfants et chez les adultes. Les enfants ont une mentalité différente que ceux qui étaient à leur place il y a une dizaine d’années. En effet, les enfants ont plus de choix dans les loisirs et sont à la recherche d’activités où ils peuvent s’amuser et se défouler, mais ils recherchent aussi la performance et le succès. Alors s’ils ne s’amusent pas ou n’arrivent pas à jouer, ils ont tendance à abandonner rapidement et à changer d’activité. Les parents, qui aujourd’hui, ont tendance à travailler tous les deux ont souvent un emploi du temps très chargé. Par conséquent l’activité que leur(s) enfant(s) pratique dépend de leur disponibilité. Une activité dont les horaires sont flexibles est donc privilégiée pour leur(s) enfant(s).

Il faut préciser qu’à l’adolescence (14-20 ans) les filles sont plus nombreuses à abandonner une pratique sportive que les garçons (voir annexe 1). Cela quel que soit le sport. Lorsque les filles sortent du cadre scolaire elles ont plutôt tendance à pratiquer des activités physiques individuelles comme le footing, la gymnastique ou encore la natation. Elles pratiquent ces sports librement et seules entre copines. Elles expliquent ce choix par un manque de temps. En effet la pratique de ces activités permet de gérer son emploi du temps sans la contrainte des entraînements hebdomadaires et des matchs tous les week-ends. Cette raison est très majoritairement donnée par les femmes. D’ailleurs leurs motivations sont différentes de celles des hommes. Ce qui les pousse à pratiquer c’est l’entretien de leur corps, leur apparence physique, le contrôle du poids et le maintien en bonne santé. Une étude récente montre que   « les femmes sont plus attirées par des notions de bien-être, de santé et de pratique libre, de victoire sur soi-même avant la victoire sur les autres » (2Brocard P., (2015), Les femmes ne sont pas faites pour courir, Editions Belin, Paris, p9-10). Contrairement aux femmes, les hommes cherchent plus l’affrontement en se mesurant aux autres, à se dépasser, à combattre.

  • La filière socio-économique

Le tennis est le premier sport individuel et le premier sport mixte en France. 3 millions de personnes pratiquent ce sport dont 1,1 millions de licenciés. 35% des licenciés jouent au tennis en compétition. Ces chiffres datent de 2007. Le tennis est un jeu caractérisé par des aspects éducatifs, de loisirs, de santé, de bien-être et de liens sociaux attribués à la pratique de ce sport. Les clubs affiliés proposent diverses offrent à ses adhérents : initiation, école de tennis (offres allant du mini-tennis au club junior, en passant par la compétition et le tennis adultes). En plus des entraînements de nombreux tournois internes et externes pour tous les âges sont proposés, ils sont au nombre de 10700. Les championnats individuels et par équipe sont également proposés aux licenciés. Parallèlement à tout cela, des animations diverses et variées sont organisées, des stages et des cours individuels sont proposés par les enseignants brevetés d’état (BE), et diplômés d’état (DE) aujourd’hui. D’après la FFT l’essentiel des emplois sont techniques puisqu’ils concernent 5000 brevetés d’état dont 71% sont à temps plein, ce qui équivaut à 3300 BE équivalent temps plein (ETP). Entre 500 et 700 ETP concernent les métiers d’accueil, d’administration et d’entretien des clubs. Au total le tennis aurait donc 4000 emplois ETP. Il existe quatre types de club pouvant être distingués : le club

« urbain », le club « périurbain », le club « rural » et le club « corpo ». Selon une enquête du secrétariat aux sports un club moyen dispose d’un budget annuel de 33000€ et compte dans ses adhérents 129 licenciés. Les statistiques de l’INSEE diffèrent peu puisque qu’elles suggèrent un budget annuel de 37000€. La cotisation moyenne s’élèverait à 66€ par adhérent. Entre 2007 et 2009 les 36 ligues et les 85 comités départementaux avaient un budget de 50 millions d’euros dont 21 millions étaient versés par la Fédération et comptaient dans ses 765 salariés, sans compter les BE. 8460 clubs composaient la FFT pour un chiffre d’affaires total de 280 millions d’euros. Pour la FFT les ligues sont un relais essentiel de la politique fédérale qui a bénéficié d’une professionnalisation dans trois secteurs : l’entraînement, l’administratif et le développement. Cette professionnalisation est exceptionnelle pour une fédération. Il faut préciser qu’en 2007, sur 152 millions d’euros de chiffre d’affaires 82% sont issus de Roland Garros (un des quatre tournois du grand chelem au monde, il a lieu à Paris) qui est l’image de marque du tennis français. Mais ces professionnels du tennis ne sont pas seuls à faire vivre la FFT, les ligues, les comités départementaux et les clubs. Les bénévoles sont un maillon essentiel du développement. Ils sont 26000 dirigeants à animer ces structures. L’ensemble du travail bénévole qui est accompli représente une valorisation d’environ 90 millions d’euros. Ces dirigeants représentent 6000 ETP dont 5600 travaillent dans les clubs. Il ne faut pas oublier de compter les initiateurs qui travaillent aussi bénévolement et en moyenne 4,6 heures par semaine d’après le Directeur technique national. Leur travail représente environ 1000 ETP, ce qui est valorisé à hauteur de 14,5 millions d’euros (base de rémunération à partir du SMIC). Il est important de signifier que le travail réalisé par les bénévoles représente un volume qui est légèrement supérieur à celui des salariés. D’ailleurs comparé aux autres sports, le nombre de professionnels est bien supérieur dans le tennis. En effet d’après les statistiques du SES, Stats-info 2006, au tennis il y a 1 salarié pour 1,2 bénévoles alors que dans les autres sports ils ne sont que 1 salarié pour 3 bénévoles, en moyenne.

  • L’évolution du nombre de licenciés

D’après Gillon (2008) une forte démocratisation du tennis a eu lieu, cependant elle reste relative (comparée à d’autres sports) puisqu’une forte corrélation existe toujours entre le revenu moyen par foyer et le taux de pratique.

Beaucoup de personnes abandonnent le tennis. Pour expliquer cette abandon deux facteurs semblent déterminants : le manque de temps et la difficulté d’apprentissage. Effectivement, les résultats d’une enquête réalisée durant l’Open 13 en 2008 (tournoi se déroulant à Marseille) démontrent que 63% des joueurs arrêtent à cause d’un manque de temps et 46% de femmes ne jouent pas en compétition car elles estiment leur niveau trop faible.

Avec le temps, les licenciés de la FFT ont connu un rajeunissement. En 1970 les moins de 18 ans représentaient 35% des licenciés, en 1990 44% et en 2007 51,5%. Ce phénomène s’explique par la création du mini-tennis destiné aux 4-6 ans qui permet à la FFT de cibler de nouveaux publics. De plus le tennis possède un pouvoir d’identification important chez les jeunes. L’essentiel des effectifs se constitue principalement par les moins de 15 ans qui, lors de la saison 2006/2007, présentaient un taux de renouvellement de la licence jeunes de 62,8%. Le problème est que, de leur côté, le nombre de licenciés adultes diminue. Cependant la fidélisation des licenciés augmente avec l’âge. Depuis 2006 jusqu’à 2010, une stabilisation voire une légère augmentation du nombre de licenciés est constatée (voir annexe 2). Cela semble s’expliquer par les multiples initiatives pédagogiques et marketing de la fédération autour du tennis évolutif et du mini-tennis. Malheureusement, entre 2010 et aujourd’hui une nouvelle diminution du nombre de licenciés est constatée. En 2010 la FFT comptait 1134571 licenciés contre 1052061 en 2015 (voir annexe 2 et annexe 3). De plus une statistique inquiétante est observée : de plus en plus de jeunes arrêtent le tennis. Entre 2014 et 2015 29123 jeunes ont arrêté le tennis, de même pour 4196 adultes. Le nombre de licenciés jeunes a donc diminué de 5,18% chez les jeunes et de 0,80% chez les adultes (voir annexe 3).

D’après Claudine Reynes (ancienne présidente de la Fédération française des industries du sport et des loisirs), en 2007 « le marché français est stable et mature, comme d’ailleurs le reste de l’Europe » (3Crognier L. et Bayle E. (2009), Le tennis dans la société de demain, Editions AFRAPS, Montpellier, p50-51). A l’opposé, « le marché américain est en croissance plus importante ». Elle traite ici du marché du tennis dans son ensemble, ce qui englobe les industriels du secteur comme les marques de tennis, que ce soit pour les chaussures, le matériel ou pour le textile. Tout cela dépend bien évidemment des pratiquants de tennis. Pour elle, le tassement du marché français s’explique par plusieurs raisons, et notamment la « désaffection du tennis ». Elle déclare que « le pratiquant d’une activité sportive est de moins en moins intéressé par la compétition, mais recherche une pratique beaucoup plus tournée vers le loisir. Il privilégie la détente, le fun, le fait de pratiquer en famille ». Mais pour elle ce n’est pas la seule raison de la désaffection du tennis. Elle explique aussi que c’est dû à « la difficulté de trouver un partenaire, aux difficultés liées à la réservation des courts le week-end, l’obligation de réserver à l’avance, ce qui est préjudiciable à la spontanéité de la pratique, et au zapping sportif : les pratiquants passent d’une activité sportive à une autre, veulent essayer différentes pratiques, différents sports ». Concernant les difficultés de trouver un partenaire de jeu et les difficultés liées à la réservation des courts, ce sont des choses que les clubs peuvent solutionner par leurs propres moyens. En revanche pour ce qui est du zapping sportif, c’est un problème beaucoup plus compliqué à solutionner car il est dû au comportement et à la manière d’agir des pratiquants d’aujourd’hui.

En outre Claudine Reynes explique que cette désaffection est d’autant plus surprenante que

« les événements tennistiques sont bien médiatisés, que le tennis en tant que spectacle est très suivi et que cette médiation focalise l’attention du public sur les joueurs et joueuses de haut niveau qui sont les ambassadeurs des marques (…) Les joueurs sont perçus de façon positive par le public. Les joueuses insufflent un côté glamour, avec l’arrivée notamment de celles venues de l’Est. Hautement médiatisées, ces jeunes femmes au look de mannequin occupent en outre de belles places dans le classement et sont d’excellents ambassadeurs des marques ». Les joueuses à associer à son discours sont par exemple Anna Kournikova, et plus récemment Maria Sharapova ou encore Ana Ivanovic. Elle estime que « le capital sympathie des sportifs est énorme auprès du public, et devrait influencer de façon significative l’accroissement de la pratique sportive, surtout chez les juniors ». Cela signifie que la médiatisation des meilleurs joueurs et joueuses qui sont les ambassadeurs du tennis, devrait normalement permettre d’attirer de nouveaux pratiquants chez les jeunes, et donc de nouveaux licenciés. Mais elle finit par conclure que la médiatisation des icônes du tennis « ne suffit pas à dynamiser significativement la pratique du tennis ». C’est-à-dire que le nombre de licenciés n’augmente pas pour autant. Selon elle, pour redynamiser le tennis en France il faudrait « qu’un français ou une française gagne Roland Garros, car même si le pratiquant n’est plus fasciné par la compétition pour lui-même, le sport spectacle est très suivi et les français s’enthousiasment pour les grandes compétitions et pour leurs sportifs ». Cependant elle précise aussi que ce n’est pas le seul moyen de redynamiser le tennis. Les clubs pourraient mener des actions et diversifier leur offre pour satisfaire les nouveaux pratiquants souhaitant une pratique loisir. Ils pourraient aussi se servir du sport de haut niveau pour séduire les différents publics et attirer de nouveaux licenciés, et ainsi augmenter le nombre de pratiquants. Mais cela correspond plus au rôle de la Fédération qu’à celui des clubs. La première chose à faire est de s’adresser aux jeunes car ils sont la cible principale et qu’un sport s’apprend très jeune, et notamment à l’école. Pour y parvenir elle développe l’idée qu’il faut « non seulement les séduire, mais également les fidéliser : les études montrent que l’entrée dans la vie active s’accompagne souvent d’une baisse de la pratique voire d’un abandon (manque de temps, le plus souvent). Il faudrait également que les clubs puissent mettre en place des actions de développement et de prospection (…) il faut aller chercher les futurs pratiquants chez eux, dans la rue et dans les écoles ».

Le marché du tennis évolue et la FFT doit être capable de faire évoluer son offre et de la diversifier. Elle doit continuer de mettre en place une politique ayant pour but l’augmentation de la pratique et la couverture médiatique car ce sont de bons moyens permettant la poursuite de son développement. En effet le tennis dispose de plusieurs opportunités pour se développer économiquement et sportivement. L’audience télévisuelle en est une, tout comme la couverture médiatique. Par exemple, l’US Open 2007 (tournoi du grand chelem à New York) a rassemblé plus de 75 millions de personnes devant leur télévision, dans 180 pays. Le tennis était le deuxième sport le plus regardé par les téléspectateurs lors de la saison 2000/2001 en Espagne, et le sport individuel numéro un vu par les spectateurs. De son côté, France 2 a attiré en moyenne 4,2 millions de spectateurs à chaque rencontre de Roland Garros, ce qui équivaut à un taux d’audimat de 36,8%.

Nicolas ZEBBAR

Diplômé d’un Master management du sport et passionné de tennis, j’ai réalisé une étude sur le développement du tennis féminin. Pratiquant de ce sport depuis vingt ans et aujourd’hui dirigeant de mon club (TC Morlaàs dans les Pyrénées-Atlantiques), je suis toujours à l’affût de nouvelles idées visant à améliorer l’environnement de pratique des adhérents. Je suis donc ravi de pouvoir partager ce travail.