C’est une annonce qui va faire l’effet d’une bombe dans le monde du padel : la Fédération Internationale de Tennis (ITF) souhaite prendre les rênes du padel international, et ce aux dépens de la Fédération Internationale de Padel (FIP). A travers 3 actes, nous allons tenter de tout vous expliquer cette situation insolite et cette guerre qui s’annonce entre la FIP et l’ITF.

ACTE I – Le padel à présent une priorité de…l’ITF ?

Comme vous pouvez-vous en douter, ce climat de forte tension entre la Fédération Internationale de Padel et la Fédération Internationale de Tennis (l’ITF) est parti d’un élément déclencheur. Et pour tout vous dire, ce n’est pas n’importe lequel. Recontextualisons cela.

Au sein de son rapport annuel qui sera présenté le 14 novembre prochain, l’ITF a clairement stipulé que son rôle était “d’agir dans l’intérêt de ses membres”. Or, elle ajoute également qu’au moins 25 des fédérations qui sont sous sa tutelle régissent également le padel dans leurs pays et surtout qu’apparemment “au moins 15 d’entre elles auraient manifesté leur envie de voir l’ITF prendre le leadership dans le monde du padel”. Une statistique assez intéressante et relativement surprenante lorsque l’on sait que toutes les fédérations en question sont également membres de la FIP. Mais cela ne s’arrête pas là.

Toujours dans son principe “d’agir dans l’intérêt de ses membres”, l’ITF annonce qu’elle souhaite créer un environnement de développement harmonieux entre le padel et le tennis, qu’elle veut créer une structure de compétition ouverte à tous les Etats membres de l’ITF et surtout, et c’est là que ça nous intéresse : elle souhaite qu’il n’y ait plus qu’une seule instance directrice pour les associations nationales de tennis membres qui sont également responsables du padel dans leur pays. Autrement dit, l’ITF veut se placer comme seule et unique organisation dirigeante du padel, et ce à la place de la FIP déjà en place dans le monde du padel.

Bien entendu, toutes ces déclarations sont accompagnées d’un plan bien ficelé. L’ITF annonce noir sur blanc qu’elle veut inclure le padel dans son champ d’action et en tant qu’organe directeur, elle compte harmoniser des règles, favoriser la croissance et le développement du padel, défendre les intérêts du padel et promouvoir son intégrité et sa réputation.

Des mesures qui semblent étrangement faire écho aux priorités générales fixées par Luigi Carraro et la FIP. Et pour semer encore un peu plus la discorde, il est également inscrit au sein du rapport que ” les associations nationales membres de l’ITF qui sont également membres de la FIP peuvent maintenir leur adhésion à la FIP “.

Très bien, mais quel serait alors le rôle de la FIP si désormais il n’y avait plus qu’une instance régulatrice (en l’occurrence l’ITF), et que cette dernière reprenait absolument tous les pouvoirs de la FIP ?

ACTE II – La FIP contre-attaque

Alertés par cette bombe lâchée par l’ITF, Luigi Carraro et la FIP n’ont pas perdu de temps avant de répondre.

En rédigeant une lettre à l’attention de tous les membres de l’ITF, Luigi Carraro a tenu à remettre les choses dans leur contexte en rappelant tout ce que la FIP a effectué depuis sa création il y a 31 ans. Il a notamment rappelé que la FIP avait organisé 16 éditions des Championnats du monde de padel, 13 éditions des Mondiaux juniors, 14 des Championnats européens, etc., et tout cela en précisant l’action de la FIP auprès des différents sponsors, son activité sur les cinq continents et le fait qu’elle est incontestablement impliquée dans le développement “exponentiel” que connaît le padel à l’heure actuelle.

Dans cette même lettre, il a tenu a condamner les intentions futures de l’ITF vis-à-vis du padel et en a profité pour sévèrement tacler l’ITF en stipulant que sur les 31 année d’existence de ce sport : “l’ITF n’avait jamais eu aucune implication dans le padel, que ce soit en tant qu’organisatrice de tournois ou en tant qu’instance régulatrice“. Une annonce forte de la part du président de la FIP qui veut mettre en lumière le fait que l’ITF souhaite probablement prendre le padel afin de “contrôler son développement”.

Carraro a ajouté : “Si l’ITF se déclare comme instance régulatrice du padel dans le monde, nous nous tenons prêts à apporter des documents juridiques prouvant l’illégalité de cette action”, et il a poursuivi en précisant que l’action de l’ITF “irait à l’encontre de la charte olympique et du code de l’éthique du comité olympique”.

En analysant le contenu de cette lettre, on peut donc se rendre compte que comme prévu, la FIP ne compte pas se laisser faire. En envoyant une lettre directement à tous les Etats membres de l’ITF, avant justement cette réunion de l’ITF de ce lundi 14 novembre qui a pour objectif de reprendre les éléments du rapport que nous vous avons décrypté, c’est une manière pour la FIP de faire pression sur l’ITF. Elle compte prendre les devants dans cette affaire, afin de ne pas se retrouver piégée par la Fédération Internationale de Tennis.

C’est pourquoi, en plus de cette lettre de Luigi Carraro, une action en justice auprès du Tribunal arbitral du sport de Lausanne a été intentée de la part de la FIP à l’encontre de l’ITF.

ACTE III – Quelle marge de manœuvre pour la FIP ?

Si la FIP a pris les devants pour renvoyer cette affaire devant les tribunaux, c’est qu’elle se retrouve désormais dos au mur. Pour quelle raison ? Tout simplement car s’il est vrai que l’ITF possède plus de 15 de ses membres qui sont d’ores-et-déjà « pour » qu’elle devienne l’instance numéro 1 dans le padel, et surtout qu’il y a des nations puissantes derrière elle, la FIP a clairement du souci à se faire.

De plus, il ne faut pas oublier que les fédérations nationales de tennis régissent le padel dans de nombreux pays, comme en France ou en Italie par exemple. Ce qui signifie que ces fédérations sont d’office « sous le contrôle » de l’ITF, et que la FIP n’a que très peu de marge de manœuvre vis-à-vis d’elles.

Alors comment interpréter cette affaire ?

Serait-ce un réel “aveu de faiblesse” de la part des instances dirigeantes du monde du tennis, qui voient leur discipline (le tennis) dans le creux de la vague et qui a contrario sont au premier rang pour observer la montée du padel ? Ou est-ce une réelle volonté de légiférer et structurer le padel de la meilleure des manières possibles afin de pérenniser son développement ?

Beaucoup de questions qui demeurent à l’instant T sans réponses, mais qui risquent de secouer le monde du padel dans les jours, les semaines et les mois à venir. Au-delà de cette situation particulièrement inédite, on peut se questionner sur l’incidence qu’il pourrait y avoir en cas de changement (ou non) d’instance régulatrice du padel de l’impact que cela pourrait avoir sur son développement à l’échelle mondiale.

Qui aura le dernier mot, l’ITF ou la FIP ?

Affaire à suivre…

Nasser Housseini

Passionné de football, j’ai découvert le padel en 2019. Depuis, c’est l’amour fou avec ce sport au point de délaisser mon sport de prédilection.