Interview réalisée le 5 Mai 2016, au Real Polo Club de Barcelona pendant le World Padel Tour après leur victoire au premier tour en 16e de finale et avant leur match face à Marrero/Salazar.

Paula et Béa sont la paire inédite de cette année 2016 sur le circuit professionnel.

Béa est une jeune cadette de 14 ans originaire de Malaga et Paula, à 42 ans, est une immense championne de padel avec 8 titres de championne du monde (3 en tournoi open et 5 avec la sélection Argentine). Sur le court, Béa joue à gauche de Paula .

PM: Peux tu te présenter ?
Bea: J’ai 14 ans et l’année dernière nous sommes devenues championnes du monde Junior de padel avec la sélection espagnole et j’ai gagné trois championnats d’Espagne (NDLR : Bea est actuellement n°1 du classement cadet en Espagne).

PM : Quand est ce que tu as commencé à jouer au padel?
Bea: J’ai commencé à jouer à 8 ans parce que mon père jouait au padel et je l’accompagnais pour le voir jouer, et un jour j’ai commencé à jouer.  J’ai commencé à m’entrainer dans un club qui se trouvait en face de chez moi et l’entraineur m’a demandé de me licencier et c’est comme cela que j’ai commencé (NDLR : Bea n’a jamais joué au tennis.)

PM : Tu pensais déjà jouer sur le circuit professionnel cette année?
Bea : L’idée était de commencer ainsi à jouer sur le circuit professionnel cette année et je devais jouer avec une autre joueuse mais pour différentes raisons, cela n’a pas pu se faire.

PM : Paula, quand as tu commencé à joué sur le circuit professionnel en Argentine et en Espagne?

Paula: En Argentine, j’ai commencé à jouer en 1993 et sur le circuit espagnol quand je suis arrivée en Espagne c’est à dire en 2002.

PM : Tu as une longue et impressionnante carrière avec beaucoup de titres. Quel est le meilleur moment de carrière?
Paula : Chacun de ces moments a son côté positif. Forcément quand je suis devenue N° 1 en Argentine avec Mariana Perez et les 5 années avec Carolina Navarro où nous avons été N°1 ou 2 mondial. En 2004, quand j’ai gagné le titre mondial avec la sélection argentine et le mondial open (par paire) avec Iciar Montes,  aussi en 2006 quand j’ai remporté le mondial avec l’Argentine et le mondial open avec Carolina Navarro. Tous ces moments ont été les moments les plus importants de ma carrière.

PM : Quand tu vois Béa commencer sur le circuit pro, est ce que cela te rappelle à tes débuts?

Paula : Non, parce que à 14 ans je ne savais pas utiliser une raquette de padel (rires!), je ne savais pas du tout ce que c’était le Padel car j’ai commencé à 16 ans. Et pour moi le padel était juste un hobby.
Oui, parce qu’elle me fait un peu penser à moi non pas à son âge mais quand j’ai commencé à la compétition avec cette illusion, cette envie d’apprendre, cette envie d’aller toujours plus loin plus haut, d’apprendre de celles qui sont les meilleures pour arriver là où j’ai pu arriver, et cela a toujours été mon objectif. Et Béa me transmet cette illusion, cette envie d’apprendre, et en cela je me reconnais.

PM: Bea, quelle est ta joueuse préférée sur le circuit?
Bea:
J’ai toujours adoré Carolina Navarro qui est de Malaga comme moi, et aussi Marta Marrero qui est aussi une super joueuse.

PM : Quelle est ta fréquence d’entrainement ? car tu vas toujours à l’école..
Bea : Je m’entraine l’après midi car le matin je suis à l’école. Je m’entraîne le lundi et le mercredi pendant 1h30 (entraînement physique et sur le court) et 1 heure le jeudi mais que sur le court de padel.

PM : Paula et Béa, quelles sont vos impressions après votre premier WPT ensemble en tant qu’équipe et personnellement?
Paula : Nous avons commencé au WPT de Valencia où nous avons gagné notre premier tour qui n’était pas facile (NDLR : en 16e de finale face à Marcela Ferrari et Anabel Medina) et aussi ici à Barcelona (contre Ana Fernandez de Osso et Rodriguez Camacho) et en prenant en compte que Béa vit à Malaga et moi ici à Barcelona, (donc plus compliqué pour partager et s’entrainer ensemble) et que ce sont les premiers WPT de Béa, cela se passe très bien. Béa s’adapte très vite à tout, ce qui n’est pas facile. En ce qui me concerne, je profite un maximum de ce que je fais, je suis contente quand je joue ce qui est mon objectif principal pour cette année.

PM: Et toi Bea?
Bea : Je ne connaissais pas beaucoup Paula et Valencia etait notre premier tournoi. Notre premier match, c’est vrai que nous l’avons très bien joué. J’ai commencé un peu nerveuse mais c’est passé par la suite. Et le 2eme match (contre Nela Brito et Lorena Alonso), cela s’est pas joué à grand chose (NDLR : Paula et Bea ont une une balle de set dans le tie-break du 1er set). Et c’est vrai, que les sensations sont très positives.

PM: Comme les joueuses du circuit ne te connaissent pas encore, j’imagine qu’elles jouent plus sur toi que sur Paula (“avec la technique du frigo”) pour te tester, non?
Paula : Elles se rendront rapidement compte qu’elles se trompent (rires!). Non, c’est normal, elles pensent que comme Bea n’a pas beaucoup d’expérience, qu’à un moment donné, Béa va faillir. Mais je pense qu’en jouant beaucoup sur Béa, elles vont la faire progresser encore plus rapidement en tant que joueuse, aussi je suis très contente qu’elles jouent sur ma partenaire et comme cela je ne me fatigue pas ! (rires!). Et aussi moi je dois apprendre à jouer sans recevoir de balles, ce que je ne sais pas faire car j’ai toujours reçu énormément de balles (durant ma carrière). Mais pour Béa ce sera un développement personnel de savoir comment gérer une partie, comment supporter la pression et elle le fait super bien!

PM : Bea, qu’est ce que cela fait de recevoir la majorité des balles et d’avoir la pression de la partie sur toi?
Bea : je préfère jouer toutes les balles qu’aucune. Cela me fait rentrer dans la partie et je joue mieux. Et je résiste le mieux que je peux!

PM : quel est votre objectif cette année comme équipe?
Paula : Tout d’abord, s’amuser et profiter sur le court ce qui est le principal objectif. S’amuser car Béa commence sa carrière quand moi je la termine, aussi nous sommes à des moments différents de notre carrière. Et justement, ce qu’une a besoin lui apporte l’autre joueuse. Fraîcheur, illusion, envie, dynamisme, énergie d’un côté pour Béa et moi, mon expérience, et lui transmettre un peu toutes ces années de compétition. Nous ne mettons aucun objectif en terme de résultat sinon un objectif de développement en tant qu’équipe, de s’amuser et moi de sortir le meilleur de Béa et Béa le meilleur de moi.

PM : Paula, que penses tu d’une joueuse de 14 ans qui démarre sur le circuit pro?
Paula :
Sur le WPT, tu peux commencer à jouer si tu as 14 ans et un classement déterminé en junior. Pas n’importe qui peut démarrer comme cela sur le circuit. Oui, cela m’a surpris de voir que Béa avec ses 14 ans serait déjà si mûre et s’adapterait aussi rapidement au circuit professionnel où sont les meilleurs joueurs du monde! Ce n’est pas facile non seulement au niveau physique et technique mais aussi mental! Je vois que ce n’est pas facile de jouer contre les meilleures mais aussi de jouer à mes côtés. J’essaye de le gérer le mieux possible…. je me rappelle quand j’ai démarré au côté d’Adriana Costagliola (NDLR : grande championne de padel argentine dans les années 90), j’avais les jambes qui tremblaient de jouer à ses cotés…Mais Béa a une maturité pour son âge très importante et elle est en train de le démontrer.

PM : Bea, peux décrire Paula en quelques mots?
Paula : il faut que je m’en aille? (rires!)
Béa: Elle est jolie, sympa… (rires!)… C’est vrai qu’elle m’aide énormément, elle me donne le sourire sur le court et en dehors. Elle m’aide dans les moments difficiles, elle m’encourage quand on perd, quand on gagne…

PM : Meme question pour toi Paula à propos de Béa? Que t’apporte Béa?
Paula : C’est une personne super réceptive, avec l’envie de s’améliorer, d’avancer, d’apporter à l’équipe, elle comprend que c’est un sport à deux, ce qui est important. Que c’est important d’etre en bonne entente l’une avec l’autre sur le court, pour moi c’est fondamental, car j’ai eu une expérience assez négative l’an passé que j’ai très mal vécu (NDLR : avec Gemma Triay sa partenaire précédente). Etre sur le court et sentir que nous sommes une équipe et que nous voulons aller dans la même direction, que nous rions, souffrons ensemble, que nous nous soutenons mutuellement, si l’une a besoin de l’autre, c’est fondamental. Et avec 14 ans, Béa a déjà compris tout cela, et c’est super important.

PM : Peux tu nous confirmer Paula que c’est difficile pour un sportif professionnel de prendre la décision d’arrêter sa carrière?
Paula : C’est vrai que cela fait plusieurs fois que je veux arrêter ma carrière, mais ils ne me laissent pas le faire (rire!)…Déjà l’année dernière je voulais arrêter, mais comme les résultats étaient très bons (NDLR : avec Gemma Triay, Paula avait obtenu les résultats suivants en 2015: 2 demies finales en WPT, participation au master final du WPT en terminant dans les 6 meilleures paires du circuit et 9 victoires sur le circuit catalan). Mais d’un point de vue intérieur/personnel, 2015 c’était très mal passé et ma carrière ne méritait pas de se terminer avec cette tristesse. Grâce à Carolina Navarro, j’ai pu connaître Béa et la meilleure décision est de pouvoir continuer à profiter du padel avec de la joie et d’apporter des choses à Béa et j’espère qu’un jour quand Béa sera au sommet, qu’elle se rappellera de moi et de ce début que nous avons eu ensemble! (rires!) et moi contente de pouvoir voir son développement pour toutes les années qui sont devant elle.

PM : Bea, comment te vois tu dans 5 ans?
Béa : Dans 5 ans j’aurai 19 ans… J’espère que tout se passera bien avec le padel et que je continuerai à jouer le WPT… et s’il se passe quoi que ce soit, j’aimerais pouvoir étudier/poursuivre dans une carrière .. .Si ce n’est pas dans le padel, me concentrer sur autre chose.

PM: Et toi Paula, comment te vois tu dans 5 ans?
Paula : Je vois année par année, dans 5 ans, je ne peux pas te dire…J’aime tout ce qui est lié à l’enseignement, à transmettre tout ce qui a pu être vécu en plus de 20 ans de compétition et aider les joueurs au niveau technique, tactique mais aussi de savoir gérer des situations, car le padel c’est beaucoup plus qu’un “coup”.. Il y a beaucoup de choses à travailler.

PM : Béa : arrives tu a réaliser que tu joues au côté de Paula EY, la “légende” du padel? Ou tu te pinces pour y croire?
Bea : Je me pince…(rires!) C’était une surprise quand Paula a dit qu’elle voulait jouer avec moi. J’essaye de donner le meilleur de moi pour que Paula soit contente de m’avoir choisie, et je prends beaucoup de plaisir à jouer avec elle…

PM : derniere question pour Paula. Quels conseils donnerais tu à Béa pour atteindre le meilleur niveau et avoir une longue carrière comme la tienne?
Paula:  La phrase qui me plait et qui vient de Mariana Perez une amie, partenaire de padel et entraineur de club de Sarragosse. Mariana me disait toujours : “La victoire finale parait facile mais c’est le résultat de petites victoires qui sont passées inaperçues”. Et ces petites victoires sont la constance, le travail quotidien, au jour le jour, ce travail qui te fait arriver au tournoi dans les meilleures conditions. Quoi qu’il se passe dans le tournoi, continuer le travail avec humilité. Par dessus tout, le travail et l’humilité pour arriver au plus haut niveau et continuer année après année…

Kristina CLEMENT – Padel Magazine

Franck Binisti

Franck Binisti découvre le padel au Club des Pyramides en 2009 en région parisienne. Depuis, le padel fait partie de sa vie. Vous le voyez souvent faire le tour de France en allant couvrir les grands événements de padel français.